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La mise au point de nouvelles armes antipersonnel – Revue internationale de la Croix-Rouge

N°2 de la traduction d’articles issus du site MindJustice. « Sample of Rare and Outstanding Articles from 1976 to 1996 »

International Review of the Red Cross, 279

November 1, 1990
The Development of New Antipersonnel Weapons
by Louise Doswald-Beck and Gerald C. Cauderay

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Les blessures qui en résultent sont aujourd’hui, et le seront dans un avenir prévisible, pratiquement inexistantes. Le deuxième groupe de travail, composé principalement de psychiatres et de médecins, étudiera plus en détail les effets à court et à long terme, tant pour l’individu que pour la société, de la cécité &a par rapport aux autres blessures généralement subies sur le champ de bataille. Les informations recueillies peuvent ensuite être utilisées pour une discussion plus approfondie sur les implications juridiques et politiques de la mise au point de ces armes.

5. Armes à énergie dirigée (DEW)

Outre l’arme laser antipersonnel, qui à certains égards pourrait également être considérée comme une arme à énergie dirigée, il existe également des armes très spéciales, telles que celles utilisant des ondes électromagnétiques de différentes longueurs d’onde et des générateurs de faisceaux de particules, qui sont considérées par certains experts comme des armes antimatérielles potentielles extrêmement efficaces. S’il est peu probable que ce type particulier d’arme, qui nécessite un approvisionnement énergétique considérable, devienne opérationnel sur le champ de bataille dans un avenir proche, il n’en va pas de même pour les systèmes d’armes utilisant des faisceaux d’ondes ou d’impulsions électromagnétiques. Les effets induits chez l’homme par les ondes électromagnétiques sont connus, quoique imparfaitement, depuis longtemps et ont fait l’objet de recherches continues. Selon la fréquence utilisée, le mode d’émission, l’énergie rayonnée, la forme et la durée des impulsions utilisées, les rayonnements électromagnétiques dirigés contre le corps humain peuvent produire de la chaleur et provoquer de sérieux problèmes ou même des changements dans la structure moléculaire des cibles qu’ils atteignent.

Des travaux de recherche dans ce domaine ont été menés dans presque tous les pays industrialisés, et notamment par les grandes puissances, en vue d’utiliser ces phénomènes à des fins antimatérielles ou antipersonnel. Des tests ont démontré que de puissantes impulsions micro-ondes pouvaient être utilisées comme une arme pour mettre l’adversaire hors de combat ou même le tuer. Il est possible aujourd’hui de générer une impulsion hyperfréquence très puissante (par exemple entre 150 et 3 000 mégahertz), avec un niveau d’énergie de plusieurs centaines de mégawatts. Grâce à des systèmes d’antennes spécialement adaptés, ces générateurs pourraient en principe transmettre sur des centaines de mètres suffisamment d’énergie pour cuisiner un repas. Toutefois, il est important de mentionner que les effets mortels ou incapacitants auxquels on peut s’attendre des systèmes d’armes utilisant cette technologie peuvent être produits avec des niveaux d’énergie beaucoup plus faibles. Utilisation du principe de concentration du champ magnétique, qui permet le contrôle de la géométrie de la cible, au moyen de systèmes d’antennes spécialement conçus à cet effet,

l’énergie rayonnée peut être concentrée sur de très petites surfaces du corps humain, par exemple la base du cerveau où une énergie relativement faible peut produire des effets mortels. Il semble qu’avec la technologie actuellement disponible, on pourrait sérieusement envisager la production de tels systèmes d’armes, qui pourraient avoir une portée d’environ 15 km et balayer une zone avec une série d’impulsions rapides. Les soldats non protégés dans cette zone pourraient être mis hors de combat ou tués en quelques secondes. Une telle arme pourrait être installée sur un camion et serait donc facilement transportable.

Malgré la rareté des publications sur ce sujet, et le fait qu’il s’agit généralement d’informations strictement classifiées, les recherches menées dans ce domaine semblent avoir démontré que de très faibles quantités de rayonnement électromagnétique pouvaient altérer sensiblement les fonctions des cellules vivantes. Les travaux de recherche ont également révélé que des effets pathologiques proches de ceux induits par des substances hautement toxiques pouvaient être produits par des rayonnements électromagnétiques même à très faible puissance, en particulier ceux utilisant une forme d’impulsion contenant un grand nombre de fréquences différentes. Comme mentionné précédemment, l’énergie nécessaire pour atteindre ces résultats est souvent beaucoup plus faible que l’énergie nécessaire pour induire un effet significatif de la chaleur dans les tissus du corps.

Certaines recherches semblent avoir confirmé que les champs électromagnétiques de faible intensité, modulés de façon à être similaires aux ondes cérébrales normales, pourraient sérieusement affecter les fonctions cérébrales. Des expériences avec des champs magnétiques pulsés effectuées sur des animaux auraient produit des effets spécifiques tels que l’endormissement et le déclenchement de l’anxiété ou de l’agressivité, en fonction de la modulation de la fréquence utilisée. D’autre part, il est bien connu que des effets mortels peuvent également être produits en utilisant des niveaux de puissance plus élevés que ceux utilisés pour les expériences sur la modification du comportement. Une arme antipersonnel basée sur de tels principes biophysiques pourrait produire des effets similaires à ceux d’un gaz neurotoxique, mais n’aurait aucun effet secondaire et ne laisserait aucune trace durable.

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International Review of the Red Cross, 279

November 1, 1990
The Development of New Antipersonnel Weapons
by Louise Doswald-Beck and Gerald C. Cauderay

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resulting injuries is at present, and will be for the foreseeable future, virtually non-existent. The second working group, which will principally comprise psychiatrists and doctors, will study in greater detail the short and long-term effects, both  for the individual and for society, of blindness &a compared with other injuries typically sustained on the battlefield.  The information collected can then be used for a more thorough discussion of the legal and policy implications of the development of these weapons.
5. Directed energy weapons (DEW)
Apart from the anti-personnel laser weapon, which in some respects could also be considered as a directed energy weapon, there are also very special weapons, such as those using electromagnetic waves of different wavelengths   and generators of particle beams, which are considered by some experts as extremely efficient potential anti-materiel weapons. Although this particular type of weapon, which requires a considerable energy supply, in unlikely to become operational on the battlefield in the near future, the same cannot be said for weapon systems using beams of electromagnetic waves
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or pulses. The effects induced in human beings by electromagnetic waves have been known, albeit imperfectly, for a long time and have been the subject of continuous research. Depending on the frequency used, the emission mode, the energy radiated, and the shape and duration of the pulses used, electromagnetic radiations directed against the human body may produce heat and cause serious bums or even changes in the molecular structure of the issues they reach.

Research work in this field has been carried out in almost all industrialized countries, and especially by the great powers, with a view to using these phenomena for anti-materiel or antipersonnel purposes. Tests have demonstrated that powerful microwave pulses could be used as a weapon in order to put the adversary hors de combat or even kill him. It is possible today to generate a very powerful microwave pulse (e.g., between 150 and 3,000 megahertz), with an energy level of several hundreds of megawatts. Using specially adapted antenna systems, these generators could in principle transmit over hundreds of metres sufficient energy to cook a meal.
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However, it is important to mention that the lethal or incapacitating effects which can be expected from weapon systems using this technology can be produced with much lower energy levels. Using the principle of magnetic field concentration, which permits the control of the geometry on the target, by means of antenna systems especially designed for the purpose,
the radiated energy can be concentrated on very small surfaces of the human body, for example the base of the brain where relatively low energy can produce lethal effects.  It seems that with currently available technology, serious consideration could be given to the production of such weapon systems, which could have a range of approximately 15 km and could sweep a zone with a series of fast pulses. Unprotected soldiers within this zone could be put hors de combat or killed within a few seconds. Such a weapon could be installed on a truck and would therefore be easily transportable.
In spite of the rarity of publications on this subject, and the fact tht it is usually strictly classified information, research undertaken in this field seems to have demonstrated that very small amounts of electromagnetic radiation could appreciably alter the functions of living cells. Research work has also revealed that pathological effects close to those induced by highly toxic substances could be produced by electromagnetic radiation even at very low power, especially those using a pulse shape containing a large number of different frequencies. As mentioned earlier, the energy necessary to achieve these results is often much lower than the energy required to induce a significant effect of heat in body tissues.
Some research seems to have confirmed that low-level electromagnetic fields, modulated to be similar to normal brainwaves could  seriously affect brain function. Experiments with pulsed magnetic f ields carried out in animals have reportedly produced specific effects such such as inducing sleep and triggering anxiety or aggressiveness, depending on the modulation of the frequency used. It is, on the other hand, well known that lethal effects can also be produced by using higher power levels than those used for the experiments on behaviour modification. An anti-personnel weapon based on such biophysical principles could produce similar effects to those of a nerve gas, but would have no secondary effects and leave no lasting trace.

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Les USA explorent la technologie russe de contrôle de l’esprit – janvier 1993

Ça fait pas mal de boulot, mais je vais commencer une série de traduction d’articles issus du site MindJustice.

Il y a une section qui traite d’articles extraordinaires « Sample of Rare and Outstanding Articles from 1976 to 1996 »

Le premier de la série est tiré de « Defense News 11-17 janvier 1993, p. 29 » dont on trouve la copie sur le site de la CIA, rien que ça.  https://www.cia.gov/library/readingroom/docs/CIA-RDP96-00792R000600150003-3.pdf

 

Les USA explorent la technologie russe de contrôle de l’esprit. Les États-Unis et la Russie espèrent protéger les techniques de contrôle de l’esprit par Barbara Opall, rédactrice de l’équipe (Defense News 11-17 janvier 1993, p. 29)

 

Washington – Le gouvernement russe perfectionne une technologie de contrôle de l’esprit mise au point dans les années 1970 qui pourrait être utilisée pour renforcer les capacités de combat des forces amies tout en démoralisant et en neutralisant les troupes adverses.

Connue sous le nom de psychocorrection acoustique, la capacité de contrôler les esprits et de modifier le comportement des civils et des soldats pourrait bientôt être partagée avec les autorités militaires, médicales et politiques américaines, selon des sources américaines et russes.

Les sources affirment que le gouvernement russe, dans un esprit d’amélioration des relations américano-russes, commence à lever le voile du secret entourant cette technologie.

La capacité russe, démontrée dans une série d’expériences en laboratoire remontant au milieu des années 1970, pourrait être utilisée pour réprimer les émeutes, contrôler les dissidents, démoraliser ou désactiver les forces adverses et améliorer la performance des équipes d’opérations spéciales amies, selon certaines sources.

Pionnière dans le domaine de la psychocorrection à l’Académie de médecine de Moscou, la psychocorrection acoustique, financée par le gouvernement, implique la transmission de commandes spécifiques par des bandes de bruit statique ou blanc dans le subconscient humain sans perturber les autres fonctions intellectuelles. Selon les experts, les démonstrations en laboratoire ont montré des résultats encourageants après une exposition de moins d’une minute.

En outre, des décennies de recherche et d’investissement d’innombrables millions de roubles dans le processus de psycho-correction a débouché sur la capacité de modifier le comportement des sujets volontaires et non volontaires, les experts ont précisé.

Dans un effort visant à limiter l’utilisation potentiellement abusive de cette capacité, des chercheurs scientifiques russes de haut niveau, des diplomates, des officiers militaires et des fonctionnaires du ministère russe de l’enseignement supérieur, des sciences et de la politique technologique commencent à fournir des démonstrations limitées pour leurs homologues américains.

D’autres évaluations des technologies clés aux États-Unis sont prévues, de même que des discussions visant à créer un cadre pour soumettre la question à des contrôles bilatéraux ou multilatéraux, selon des sources américaines et russes.

Un document non daté du Psychor Center, un groupe basé à Moscou et affilié au Département de psychocorrection de l’Académie de médecine de Moscou, reconnaît le potentiel ( ?) de cette capacité.

Les États-Unis et la Russie espèrent protéger les techniques de contrôle de l’esprit

Contrôle, à partir de la page 4

Les experts russes, dont George Kotov, un ancien général du KGB qui occupe actuellement un poste de ministre, présentent dans leur rapport une liste de logiciels et de matériel associés à leur programme de psycho-correction qui pourraient être achetés pour aussi peu que 80 000 $.

« Dans la mesure où il est devenu possible de sonder et de corriger le contenu psychique des êtres humains malgré leur volonté et leur conscience par des moyens instrumentaux, les résultats obtenus peuvent échapper à {notre} contrôle et être utilisés à des fins inhumaines de manipulation du psychisme », affirme le document.

Les auteurs russes notent que  » l’opinion mondiale n’est pas prête à traiter de manière appropriée les problèmes posés par la possibilité d’un accès direct à l’esprit humain « . C’est pourquoi les auteurs russes ont proposé la création d’un centre bilatéral pour les psychotechnologies où les États-Unis et le Russe {?} restreignent les capacités émergentes.

Janet Morris, du Global Strategy Council, un groupe de réflexion établi à Washington par Ray Cline, ancien directeur adjoint de la Central Intelligence Agency, est un agent de liaison clé entre les responsables russes et américains.

Dans une interview accordée le 15 décembre, Mme Morris a déclaré qu’elle et l’International Healthline Corp. de Richmond, en Virginie, avaient informé de hauts responsables du renseignement et de l’armée américaine des capacités russes, qui, selon Mme Morris, pourraient inclure des dispositifs portables pour des opérations spéciales, le contrôle des foules et des actions antipersonnel. Healthline Corp. évalue les technologies de soins de santé russes et financera des démonstrations russes aux États-Unis.

« Nous avons parlé de l’utiliser pour filtrer et préparer le personnel des opérations spéciales pour les missions extrêmement difficiles et des moyens de l’intégrer {?} pour les opérations psychologiques « , a dit M. Morris.

Elle a déclaré que les responsables de l’Armée de terre s’inquiétaient de la capacité des systèmes blindés et du personnel de l’Armée de terre d’utiliser les liaisons de communications électroniques. Les troupes au sol, dit-elle, risquent d’être exposées à des ondes sonores conductrices des os qui ne peuvent être compensées par des bouchons d’oreille ou d’autres équipements de protection actuels. M. Morris a ajouté que les contre-mesures américaines pourraient inclure l’annulation du son, un processus complexe qui consiste à diffuser des formes d’ondes à phases opposées dans des fréquences précisément adaptées.

Le major Pete Keating, porte-parole de l’armée américaine, a déclaré que les hauts responsables de l’armée américaine avaient exprimé leur intérêt pour l’examen des capacités russes, mais que Donald Atwood, secrétaire adjoint à la défense, avait rejeté les projets répétés de visites dans l’ancienne Union soviétique. Keating a dit qu’il ne connaissait pas la technologie de contrôle de l’esprit.

Selon des sources américaines, les responsables gouvernementaux et les dirigeants du monde des affaires et du monde médical examineront les offres de la Russie de placer la capacité de contrôle des esprits sous contrôle bilatéral.

Au moins un sénateur américain de haut rang, des responsables du renseignement du gouvernement et le Bureau des opérations, des plans et du développement des forces de l’armée américaine sont intéressés à examiner les capacités russes, ont indiqué des sources américaines.

En outre, International Healthline Corp. prévoit de faire venir une équipe de spécialistes russes dans les deux prochains mois pour démontrer cette capacité, a déclaré le président de la société, Jim Hovis, dans une interview accordée le 2 décembre.

Pendant ce temps, le Centre de recherche, de développement et d’ingénierie de l’armement de l’armée américaine mène une étude d’un an sur la technologie des faisceaux acoustiques qui pourrait refléter certains des effets rapportés par les Russes.

Le porte-parole de l’armée Bill Har ? a déclaré le 3 décembre que le commandement attendait l’étude d’un an commandée par Scientific Applications & Research Associates de Huntington Beach, Californie. Selon des sources américaines et russes, des recherches connexes menées à l’Institut Andreev, basé à Moscou, sont en cours.

Malgré l’intérêt croissant que suscite une capacité traditionnellement réservée aux romans de science-fiction, l’industrie et les experts universitaires sont prudents et sceptiques quant à son utilisation potentielle sur le champ de bataille.

« Ce n’est pas quelque chose qui me semble nécessiter une attention particulière « , a déclaré Raymond Gartho Gartho, analyste de la défense et du renseignement à la Brookings Institution de Washington, dans une interview accordée à De ?

Morris soutient que la capacité a été démontrée dans le laboratoire russe et qu’elle devrait être soumise à des restrictions internationales le plus tôt possible.

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La quête secrète de la CIA pour le contrôle de l’esprit : Torture, LSD et empoisonneur en chef

Traduction de l’article du site National Public Radio

Au début de la guerre froide, la CIA a acquis la conviction que les communistes avaient découvert une drogue ou une technique qui leur permettrait de contrôler l’esprit humain.

En réponse, la CIA a lancé son propre programme secret, appelé MK-ULTRA, pour rechercher une drogue psychotrope qui pourrait être utilisée comme arme contre des ennemis. MK-ULTRA, qui a fonctionné des années 1950 jusqu’au début des années 1960, a été créée et dirigée par un chimiste nommé Sidney Gottlieb. Le journaliste Stephen Kinzer, qui a passé plusieurs années à enquêter sur le programme, qualifie l’opération de « recherche la plus soutenue de l’histoire sur les techniques de contrôle de l’esprit ». Certaines des expériences de Gottlieb ont été financées secrètement dans des universités et des centres de recherche, dit M. Kinzer, tandis que d’autres ont été menées dans des prisons américaines et des centres de détention au Japon, en Allemagne et aux Philippines. Bon nombre de ses sujets inconscients ont subi des tortures psychologiques allant des électrochocs aux fortes doses de LSD, d’après les recherches de Kinzer.

 

« Gottlieb voulait créer un moyen de prendre le contrôle de l’esprit des gens, et il s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un processus en deux parties « , dit Kinzer. « D’abord, vous avez dû faire exploser l’esprit existant. Deuxièmement, vous deviez trouver un moyen d’insérer un nouvel esprit dans ce vide. On n’est pas allés trop loin sur le numéro deux, mais il a fait beaucoup de travail sur le numéro un. »

Kinzer note que la nature top-secrète du travail de Gottlieb rend impossible la mesure du coût humain de ses expériences. « Nous ne savons pas combien de personnes sont mortes, mais un certain nombre l’ont fait, et de nombreuses vies ont été détruites de façon permanente « , dit-il.

En fin de compte, Gottlieb a conclu que le contrôle de l’esprit n’était pas possible. Après la fermeture de MK-ULTRA, il a dirigé un programme de la CIA qui a créé des poisons et des gadgets de haute technologie pour les espions.

Kinzer écrit sur Gottlieb et MK-ULTRA dans son nouveau livre, Poisoner in Chief.


Sur la façon dont la CIA a amené le LSD en Amérique

Dans le cadre de la recherche de médicaments qui permettraient aux gens de contrôler l’esprit humain, les scientifiques de l’ICA ont pris conscience de l’existence du LSD, ce qui est devenu une obsession pour les premiers directeurs de la MK-ULTRA. En fait, le directeur de MK-ULTRA, Sidney Gottlieb, peut maintenant être considéré comme l’homme qui a amené le LSD en Amérique. Il était le parrain inconscient de toute la contre-culture du LSD.

Au début des années 1950, il s’est arrangé pour que la CIA paie 240 000 $ pour acheter la totalité de l’approvisionnement mondial en LSD. Il l’a apporté aux États-Unis et il a commencé à le diffuser dans les hôpitaux, les cliniques, les prisons et d’autres institutions, en leur demandant, par l’intermédiaire de fausses fondations, de mener des projets de recherche et de découvrir ce qu’était le LSD, comment les gens y réagissaient et comment il pourrait être utilisé comme un outil pour contrôler leur esprit.

Maintenant, les personnes qui se sont portées volontaires pour ces expériences et qui ont commencé à prendre du LSD, dans de nombreux cas, ont trouvé cela très agréable. Ils en ont parlé à leurs amis. Qui étaient ces gens ? Ken Kesey, l’auteur de One Flew Over the Cuckoo’s Nest, a obtenu son LSD dans une expérience commanditée par la CIA par MK-ULTRA, par Sidney Gottlieb. Tout comme Robert Hunter, le parolier des Grateful Dead, qui est devenu un grand fournisseur de la culture LSD. Allen Ginsberg, le poète qui a prêché la valeur de la grande aventure personnelle de l’utilisation du LSD, a reçu son premier LSD de Sidney Gottlieb. Bien que, bien sûr, il n’ait jamais connu ce nom.

C’est donc sans le savoir que la CIA a introduit le LSD aux États-Unis et, en fait, c’est une ironie énorme que la drogue que la CIA espérait être sa clé pour contrôler l’humanité ait fini par alimenter une rébellion générationnelle qui avait pour but de détruire tout ce que la CIA avait de cher et défendu.

Sur la façon dont MK-ULTRA a expérimenté sur les prisonniers, y compris le patron du crime Whitey Bulger

Whitey Bulger était l’un des prisonniers qui se sont portés volontaires pour ce qu’on lui a dit être une expérience visant à trouver un remède à la schizophrénie. Dans le cadre de cette expérience, il a reçu du LSD tous les jours pendant plus d’un an. Plus tard, il s’est rendu compte que cela n’avait rien à voir avec la schizophrénie et qu’il était un cobaye dans une expérience gouvernementale visant à voir quelles étaient les réactions à long terme des gens au LSD. Essentiellement, pourrait-on faire perdre la tête à une personne en lui donnant du LSD tous les jours pendant une si longue période ?

Bulger a écrit par la suite au sujet de ses expériences, qu’il a décrites comme tout à fait horribles. Il pensait qu’il devenait fou. « J’étais en prison pour avoir commis un crime, mais ils ont commis un plus grand crime contre moi. » Et vers la fin de sa vie, Bulger s’est rendu compte de la vérité sur ce qui lui était arrivé, et il a dit à ses amis qu’il allait trouver ce médecin à Atlanta qui était à la tête de ce programme expérimental dans le pénitencier et aller le tuer.

Sur l’embauche par la CIA de médecins nazis et de tortionnaires japonais pour apprendre des méthodes

Le projet de contrôle de l’esprit de la CIA, MK-ULTRA, était essentiellement une continuation du travail qui avait commencé dans les camps de concentration japonais et nazis.

Stephen Kinzer, auteur de’Poisoner in Chief’.

Le projet de contrôle de l’esprit de la CIA, MK-ULTRA, était essentiellement une continuation du travail qui avait commencé dans les camps de concentration japonais et nazis. Non seulement c’était à peu près basé sur ces expériences, mais la CIA a engagé les vivisectionnistes et les tortionnaires qui avaient travaillé au Japon et dans les camps de concentration nazis pour venir nous expliquer ce qu’ils avaient découvert afin que nous puissions nous appuyer sur leurs recherches.

Par exemple, les médecins nazis avaient mené de vastes expériences avec la mescaline au camp de concentration de Dachau, et la CIA était très intéressée à savoir si la mescaline pouvait être la clé du contrôle de l’esprit qui était l’une de leurs grandes pistes d’investigation. Ils ont donc engagé les médecins nazis qui avaient participé à ce projet pour les conseiller.

Les nazis ont également fourni des informations sur les gaz toxiques comme le sarin, qui est toujours utilisé. Des médecins nazis sont venus en Amérique à Fort Detrick dans le Maryland, qui était le centre de ce projet, pour faire la leçon aux agents de la CIA et leur dire combien de temps il fallait pour que les gens meurent du sarin.

Sur les expériences les plus extrêmes que Gottlieb a menées à l’étranger

Gottlieb et la CIA ont établi des centres de détention secrets dans toute l’Europe et l’Asie de l’Est, en particulier au Japon, en Allemagne et aux Philippines, qui étaient largement sous contrôle américain au début des années 50, et Gottlieb n’a donc pas eu à s’inquiéter des embûches légales dans ces endroits. …

Les agents de la CIA en Europe et en Asie capturaient des agents ennemis et d’autres qui, selon eux, pouvaient être soupçonnés ou être considérés comme « non indispensables ». Ils s’emparaient de ces personnes et les jetaient dans des cellules pour ensuite tester toutes sortes de potions de drogues, mais aussi d’autres techniques, comme les électrochocs, les températures extrêmes, l’isolement sensoriel – tout en les bombardant de questions, en essayant de voir si elles pouvaient briser la résistance et trouver un moyen pour détruire l’ego humain. Il s’agissait donc de projets conçus non seulement pour comprendre l’esprit humain, mais aussi pour trouver comment le détruire. Et cela a fait de Gottlieb, bien que d’une certaine manière une personne très compatissante, certainement le tortionnaire le plus prolifique de sa génération.


Je dois faire un commentaire au sujet de ce dernier paragraphe, sur ce que je subis comme TI. L’ un des buts recherché des personnes derrière la V2K, est de détruire l’égo. Les techniques sont différentes (techniques que je tente de d’aborder sur ce blog) mais très probablement héritées et améliorées de ces recherches qui ont eu lieu dans les année 60. Tout est fait pour nous détruire, cela est aussi violent que d’être sous l’emprise d’un pervers narcissique + harcèlement scolaire (Il faut etre fort pour échapper au suicide, et pourtant, résister ne fait que prolonger nos souffrances…) Rien de ce que je fais n’est bien et je suis responsable de tout ce qui m’arrive; Un groupe de personnes travaille en ce sens, à rendre mon univers absolument invivable.


 

Sur la façon dont ces expériences n’ont pas été supervisées

Ce type [Sidney Gottlieb] avait un permis de tuer. Il avait le droit de réquisitionner des sujets humains aux États-Unis et dans le monde entier et de les soumettre à toutes sortes d’abus qu’il voulait, jusqu’au point d’en être mortel – mais personne ne regardait par-dessus son épaule.

Stephen Kinzer

[Gottlieb] fonctionnait presque complètement sans surveillance. Il a reçu une sorte de chèque de son patron titulaire et de son vrai patron, Richard Helms, et du directeur de la CIA, Allen Dulles. Mais aucun d’eux ne voulait vraiment savoir ce qu’il faisait. Ce type avait un permis de tuer. Il avait le droit de réquisitionner des sujets humains aux États-Unis et dans le monde entier et de les soumettre à toutes sortes d’abus qu’il voulait, jusqu’au point d’en être mortel – mais personne ne regardait par-dessus son épaule. Il n’a jamais eu à faire de rapports sérieux à qui que ce soit. Je pense que la mentalité devait être que ce projet est si important – le contrôle de l’esprit, s’il peut être maîtrisé, est la clé de la puissance mondiale.

Comment Gottlieb a détruit les preuves de ses expériences quand il a quitté la CIA.

La fin de la carrière de Gottlieb survient en 1972, lorsque son protecteur, Richard Helms, alors directeur de la CIA, est démis de ses fonctions par[le président Richard] Nixon. Une fois Helms parti, ce n’était qu’une question de temps avant que Gottlieb ne parte, et le plus important était que Helms était vraiment la seule personne à la CIA qui avait une idée de ce que Gottlieb avait fait. Comme ils sortaient tous les deux de la CIA, ils ont convenu qu’ils devaient détruire tous les dossiers de MK-ULTRA. Gottlieb s’est en fait rendu au centre d’archives de la CIA et a ordonné aux archives de détruire les boîtes pleines de dossiers MK-ULTRA. … Cependant, il s’avère qu’il y avait des[dossiers] trouvés à d’autres endroits ; il y avait un dépôt pour les rapports de comptes de dépenses qui n’avaient pas été détruits, et divers autres morceaux de papier restent. Il y en a donc assez pour reconstituer ce qu’il a fait, mais ses efforts pour effacer ses traces en détruisant tous ces documents au début des années 70 ont été très fructueux.

 

 

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Le scientifique fou qui a été le pionnier des expériences de contrôle de l’esprit de la CIA

Traduction Activist Post : The Mad Scientist Who Pioneered the CIA’s Mind Control Experiments

Si vous croyiez en l’existence des expériences de contrôle mental de la CIA MK-ULTRA dans les années 1960, les gens supposeraient probablement que vous avez pris un peu trop d’acide. Et cela aurait très bien pu être le cas si vous aviez été l’un des sujets inconscients du savant fou, Sidney Gottlieb. Gottlieb a développé ses pratiques directement à partir de médecins nazis responsables de certaines des expériences humaines les plus horribles sur les victimes des camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. À un moment donné, les scientifiques nazis ont été transportés par avion aux États-Unis pour donner des leçons aux agents de la CIA sur les effets du sarin, un gaz toxique mortel.

Gottlieb a imité ces tactiques nazis sur des sites noirs dans le monde entier.

[Gottlieb] fonctionnait presque complètement sans surveillance. Il a reçu une sorte de chèque de son patron titulaire et de son vrai patron, Richard Helms, et du directeur de la CIA, Allen Dulles. Mais aucun d’eux ne voulait vraiment savoir ce qu’il faisait. Ce type avait un permis de tuer. Il avait le droit de réquisitionner des sujets humains aux États-Unis et dans le monde entier et de les soumettre à toutes sortes d’abus qu’il voulait, jusqu’au point d’en être mortel – mais personne ne regardait par-dessus son épaule. Il n’a jamais eu à faire de rapports sérieux à qui que ce soit. Je pense que la mentalité devait être que ce projet est si important – le contrôle de l’esprit, s’il peut être maîtrisé, est la clé de la puissance mondiale.

Certaines de ses expériences impliquaient des participants volontaires. Par exemple, Whitey Bulger s’est porté volontaire pendant son premier séjour en prison. On lui a dit que les expériences avaient pour but de rechercher des remèdes contre la schizophrénie. En réalité, on lui a administré du LSD tous les jours pendant plus d’un an pour tenter de détruire l’esprit humain. C’était la première étape, avant que l’esprit puisse être remplacé par un nouvel esprit, un esprit que la CIA contrôlerait. Parmi les autres victimes figuraient des hommes attirés par des prostituées et des prisonniers étrangers « sacrifiables » qui n’avaient pas droit à une procédure régulière. Au cours du processus, les gens sont devenus fous, des vies ont été ruinées et des gens sont morts.

Un nouveau livre de Stephen Kinzer est sorti aujourd’hui  intitulé Poisoner in Chief qui plonge au plus profond de l’homme derrière les fameuses expériences de contrôle mental des années 1950 et 1960, MK-ULTRA.

L’empoisonneur en chef de Stephen Kinzer se lit comme un thriller d’espionnage, mais ses révélations sur la carrière macabre de Sidney Gottlieb de la CIA sont profondément troublantes. Le travail de Kinzer souligne une fois de plus le pouvoir narratif de la biographie pour déterrer notre histoire collective. » -Kai Bird, co-auteur de l’American Prometheus, auteur de The Good Spy et lauréat du prix Pulitzer.

Ce sont de telles révélations qui rendent insensé de faire confiance au gouvernement. Ce n’est là qu’un petit exemple parmi tant d’autres de la preuve irréfutable que notre gouvernement peut être psychotique et diabolique. Alors pourquoi diable y a-t-il encore des millions et des millions de personnes qui se battent chaque jour pour que le gouvernement ait plus de pouvoir sur nous ? C’est le renversement ultime, c’est que des citoyens innocents doivent justifier chaque action auprès du gouvernement, alors que le gouvernement, coupable d’innombrables méfaits, fait tout ce qu’il veut en toute impunité. Il faut vraiment être stupide pour ignorer toutes les violations du passé, des expériences de Tuskegee sur la syphilis aux mensonges qui poussent les États-Unis à entrer en guerre après la guerre.

*Ce post contient des liens d’affiliation Amazon, du site original

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WIKIPEDIA : En avril 1953 il prit la tête du projet top-secret MKULTRA qui avait été décidé par le directeur de la CIA Allen Dulles. Gottlieb testa notamment l’administration de LSD et d’autres substances psychotropes pour désorienter les sujets. Il finança des recherches sur le lavage de cerveau, basé sur la destruction du psychisme de telle manière que le sujet admette n’importe quoi. Il sponsorisa les recherches controversées de médecins tels que Ewen Cameron et Harris Isbell sur des cobayes humains. Beaucoup de personnes souffrirent gravement des conséquences des recherches qu’il finança conjointement avec la Fondation Rockefeller.

 

Tiens tiens, Rockfeller, il semble avoir été dans tous les bons coups celui-là…

 

 

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Transhumanisme

Clinatec, c’est pas très net.

Intéressant papier mettant plusieurs choses en relief, notamment ce qui est ici un poncif : il s’agit toujours de santé, circulez il n’y a rien à voir…

Dans les laboratoires français travaillant autour du cerveau, et notamment à Clinatec, on ne communique jamais sur les possibilités d’amélioration de l’humain : on affirme toujours vouloir uniquement soigner. Stratégiquement, c’est assez rusé comme l’avait souligné l’ancienne ministre Geneviève Fioraso : « La santé, c’est incontestable. Lorsque vous avez des oppositions à certaines technologies et que vous faites témoigner des associations de malades, tout le monde adhère. » (France Inter, 27/06/12).
Aux Etats-Unis, les champs d’application des implants cérébraux assumés sont plus vastes. On parle de soigner grâce à eux l’anxiété, le stress ou la dépression des militaires revenant de zones de conflits. Le fondateur de Clinatec, Alim-Louis Benabid, avait déjà annoncé que les implants pouvaient permettre de soigner « la migraine, l’épilepsie, les troubles mentaux, les fameux TOC, le syndrome de la Tourette, l’obésité, l’anorexie ou diverses addictions » (Le Daubé, 4/12/2008).

Ici on parle éthique et clause de conscience au sein des équipes de chercheurs travaillant sur les implants cérébraux. Tout un blabla qui par ailleurs n’empêche pas la neuro-dictature de se mettre en place.

Rappel :

Le but revendiqué, officiel, de Clinatec, est de « nous mettre des nanos dans la tête ». En clair, des implants cérébraux. Pour être encore plus clair, le programme Clinatec travaille depuis 2006 dans une quasi clandestinité à l’interface cerveau-machine, à l’intrusion du pouvoir médical et politique dans notre for intérieur (espionnage, détection des intentions, décryptage des sentiments, reconnaissance de la « pensée »). L’interface primate-machine et, déjà, homme-machine, ouvre la porte, elle, au pilotage des rats, des macaques, des hommes – bref, à la production de robots humains, de « cyborgs » si vous voulez, « d’organismes cybernétiques ».

En lien avec le sujet de ce blog : espionnage, détection des intentions, décryptage des sentiments, reconnaissance de la pensée ce à quoi me confrontent les V2K. Je peux constater tous les jours que c’est le cœur du sujet.

 

Article de Le postillon.org : Les Singes de Clinatec ont raté le prix Nobel

Grenoble vient d’échapper à un tsunami médiatique. Le célèbre neurochirurgien grenoblois Alim-Louis Benabid était pressenti pour devenir Prix Nobel de médecine. Raté : celui-ci est revenu à trois chercheurs étrangers travaillant autour des maladies parasitaires. Pour donner à Benabid un maximum de chances dans sa quête du Saint-Graal, ses collaborateurs ont reçu l’ordre de se taire. Car depuis quelques mois, Clinatec – le centre de recherche autour des maladies du cerveau qu’il a cofondé avec le directeur du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) Jean Therme – est en proie à de vives tensions internes. Les singes de Clinatec prennent-ils de l’héroïne ? L’éthique médicale est-elle soluble dans le CEA ? Pourquoi le directeur François Berger a-t-il fait jouer sa clause de conscience pour alerter sur le sens du projet ?

« Je ne peux pas vous répondre, je suis tenu par le devoir de réserve ». C’est François Berger au téléphone, l’ancien directeur de Clinatec. Ce centre de recherche teste, sur des animaux ou sur des humains, des dispositifs implantés dans le cerveau. Pour ses promoteurs, le noble but de cette structure est de progresser dans le soin des maladies du cerveau (comme Alzheimer ou Parkinson) ou dans l’aide aux personnes paralysées : un des projets ambitionne de faire « remarcher les paralysés » en pilotant un exosquelette par la pensée. Pour ses opposants, Clinatec oeuvre à la fabrication d’un humain « augmenté » par la technologie, travaille au « contrôle de la pensée » et au développement du transhumanisme, cette idéologie qui désire vaincre la mort en faisant muter l’homme (1).

Ouvert depuis 2012, ce centre de recherche n’a jamais été officiellement inauguré par crainte des opposants. Ses activités ont débuté quelques années plus tôt dans des bâtiments du CEA. Depuis, nul ne sait ce qui s’y passe, alors que Clinatec a bénéficié pour son lancement de plus de vingt millions d’euros d’argent public (2) en plus du soutien de la fondation Safra, tenue par la veuve du banquier milliardaire Edmond Safra.

Mais ces « technologies de pointe » sont une vraie pompe à fric. En manque de liquidités, Clinatec a lancé l’année dernière une campagne de mécénat : deux personnes ont été embauchées, l’une comme « responsable du mécénat », l’autre comme « chargée du mécénat ». Co-influence, une entreprise spécialisée dans le « conseil en foundraising, mécénat et communication », est chargée de booster la campagne pour faire rentrer 30 millions d’euros dans les caisses. Sur le site internet de Clinatec, on a maintenant le droit à des slogans accrocheurs, comme « les malades n’ont pas le temps d’être patients » ou culpabilisants : « Marcher… ne plus trembler… croire à la guérison, cela change une vie. Aidez-nous à changer celle de millions de personnes. Soutenez-nous. Chaque minute compte ». Un « clip de promotion » et un « film institutionnel » ont été réalisés. Sur les images, les soi-disant « patients » sont en fait des salariés de Clinatec. Le centre de recherche n’étant parvenu pour l’instant à aucun résultat « spectaculaire », le service de communication maquille donc la réalité. On compte parmi les mécènes le Crédit agricole (400 000 euros), le club Soroptimist (« club service » féminin) de Grenoble (4 000 euros), le Rotary Club ou des lycéennes de Saint-Jean-de-Bournay (collecte après une projection de film). Un club de randonnée ardechois a même organisé une « Randorêve » au profit de Clinatec.

Si on a appelé François Berger, ce n’est pas pour faire un don : c’est parce que de graves turbulences internes agitent Clinatec depuis plusieurs mois. Pour preuve cet extrait de mail envoyé par François Berger le 2 Juillet 2015 à une centaine de personnes concernées par Clinatec :

« Votre alerte, que je partage, m’impose aussi de parler à tous. Je veux aussi nous lancer un appel assez solennel. (…) Depuis novembre dernier, progressivement l’ambiance s’est dégradée, mettant en danger la viabilité du projet, son sens et son éthique. Entraînant aussi une souffrance des équipes qu’il faut absolument arrêter. (…) Un Clinatec Cea-Leti n’aura pas d’opérabilité, ni de sens ni d’éthique ; un Clinatec Inserm n’aura pas d’opérabilité, ni de sens ni d’éthique ; un Clinatec UJF n’aura pas d’opérabilité, ni de sens ni d’éthique ; un Clinatec CHU n’aura pas d’opérabilité, ni de sens ni d’éthique. C’est à quatre que Clinatec a un sens, une opérabilité, une éthique. Il nous faut donc travailler en urgence à une solution qui nous associe à nouveau en sortant de nos intégrismes mono-institutionnels. (…) En attendant rétablissons le calme et la convivialité. »

Au téléphone, François Berger n’a pas voulu nous en dire plus, à cause donc de ce fameux « devoir de réserve ». À peine concède-t-il qu’il n’est plus directeur de Clinatec depuis le printemps dernier, et même plus directeur du SSP (secteur sujets patients) depuis le début du mois de septembre. Aujourd’hui il travaille toujours à Clinatec, mais dirige « seulement » une équipe d’une trentaine de personnes. Pourquoi ? « Devoir de réserve » !

Le secret a toujours été la marque de fabrique de Clinatec. Une partie du bâtiment a d’ailleurs été classée en « zone à régime restrictif » afin de « protéger le potentiel technique et scientifique de la nation ». Un des buts de ce classement est « d’empêcher la fuite d’informations » : l’innovation censée « sauver des vies » est protégée par le secret défense. Les grenoblois ne savent pas par exemple qu’à Clinatec on produit des OGM pour faire des expérimentations. Voyez donc ce mail du 26/09/2014 : « Nous allons déposer dans les prochaines semaines un nouveau dossier de déclaration d’utilisation OGM (en complément de notre agrément actuel) (…). Si vous avez des nouveaux projets mettant en œuvre des OGM, il serait possible de les intégrer à cette demande ». Des OGM synthétisés en plein centre de Grenoble : qu’en pense le maire écolo Eric Piolle ?

Pour ausculter les turbulences internes, on est allé questionner Patrick Levy, le président de l’université Joseph Fourier (un des partenaires de Clinatec). Le monsieur s’est voulu rassurant : « Les tensions à Clinatec ? C’est avant tout un problème de personnes, donc c’est un peu compliqué d’en parler. Mais non, il n’y a pas de problèmes éthiques, même si je sais que vous auriez bien aimé ».

Patrick Levy est un bon communicant : il sait donner les « bonnes » réponses, même si elles sont éloignées de la réalité. Il y a effectivement quelques « problèmes de personnes » au sein de Clinatec, ou plutôt des problèmes de structure. La bonne entente entre les quatre structures associées dans Clinatec – le CEA (commissariat à l’énergie atomique), le CHU (l’hôpital), l’université Joseph Fourier et l’Inserm (institut national de la santé et de la recherche médicale) – a éclaté depuis quelques mois.

Pour comprendre la cause de cette dispute, il faut revenir sur les objectifs de Clinatec. Le CEA a pour l’instant surtout communiqué autour de deux projets phares : le projet NIR (Near Infra Red) qui aimerait « utiliser la lumière proche infrarouge pour prévenir et stopper l’évolution de la maladie de Parkinson » ; et le projet BCI (Brain Computer Interface) qui promet de « faire marcher des paralysés » grâce à des implants installés dans le cerveau commandant un exosquelette.

Sur ces deux projets, le CEA a misé beaucoup d’argent. Leur aboutissement permettrait de faire « rayonner » Clinatec et par ricochet lui-même. Mais pour l’instant ils n’avancent pas : les dispositifs technologiques sont loin d’être au point. En juin 2013, Les Echos annonçaient que les premiers tests sur l’homme du projet BCI auraient lieu fin 2013 ou début 2014 : bientôt deux ans après, aucun humain n’a encore été implanté – fort heureusement.

Des recherches médicales progressent à Clinatec, notamment autour du traitement des tumeurs au cerveau, mais elles sont moins spectaculaires, et plutôt menées par les équipes du CHU. Elles intéressent donc moins le CEA, qui veut bien aider la médecine si cela lui assure un maximum de citations dans la presse. Cette recherche de la gloire plutôt que des résultats véritablement utiles à la société transparaît à travers le projet BCI : l’exosquelette pesant encore plus de soixante kilos et nécessitant un fil accroché au plafond pour être maintenu en équilibre, la « marche » ne devrait être efficace que pour faire des belles photos. D’ailleurs, qui fréquente un peu des personnes tétraplégiques (paralysées des quatre membres) sait qu’avant de pouvoir gambader entourées d’un exosquelette de soixante kilos, elles aimeraient déjà pouvoir simplement contrôler leurs sphincters, et donc leur défécation. Ce genre d’objectifs est moins vendeur que la promesse christique de remarcher.

Face à l’échec actuel des projets NIR et BCI, les responsables du CEA et le président de Clinatec Alim-Louis Benabid ont accusé les recherches moins spectaculaires de prendre trop de place et d’empêcher les projets phares d’avancer. Ils aimeraient que Clinatec se recentre sur ses projets NIR et BCI, et obtienne des résultats « vendables », quitte à envisager quelques arrangements avec des questions éthiques.

En réalité, il semble que ces « arrangements » sont la principale cause des tensions internes à Clinatec. François Berger explique dans son mail que la « viabilité », le « sens » et « l’éthique » de Clinatec sont « en danger ». Juste avant la fin de l’été, il a fait jouer sa clause de conscience car il ne voulait plus être responsable médicalement des recherches au vu de la direction qu’elles prennent sous la pression du CEA. Suite à cette alerte, la direction du CHU a interdit, au moins temporairement, toute inclusion de patients et de volontaires sains dans des protocoles de recherche clinique.

Ce qui a déclenché ce « clash », c’est la volonté affichée par Benabid en réunion de réduire au maximum les coûts sur la future prise en charge de patients tétraplégiques. Le projet BCI ayant déjà coûté cher au CEA, le célèbre neurochirurgien aurait aimé rogner sur les dépenses en se passant des rééducateurs ou kinésithérapeutes accompagnant normalement les patients. Ces velléités n’ont pas plu à certains membres du personnel, qui ont sonné « l’alerte » dont parle Berger.

L’ambiance s’était déjà considérablement dégradée dans les derniers mois. Sommés de fournir des résultats sans en avoir les possibilités techniques, plusieurs employés ont connu ou frôlé le « burn-out » : la fameuse « souffrance des équipes » dont parle Berger.

Il faut dire qu’il n’est pas de tout repos psychique de travailler à Clinatec : il faut par exemple supporter de voir des singes sombrer dans un état pitoyable après qu’on leur a injecté du MPTP, une neurotoxine provoquant les mêmes symptômes que la maladie de Parkinson. Pour se donner une idée de la dangerosité du produit, les manipulations de MPTP imposent d’interdire l’accès d’un laboratoire à toute personne non « habilitée » pendant quinze jours, comme il est indiqué dans ce mail du 13/03/2012 : « En raison d’une nouvelle manip utilisant du MPTP, le laboratoire rongeur du 4022 sera inaccessible du vendredi 23 mars au soir au mercredi 4 avril matin ; seules les personnes habilitées à utiliser du MPTP pourront entrer dans le laboratoire ».
Ces pauvres singes parkinsoniens ne bougent presque plus et s’infectent ainsi beaucoup plus facilement : en novembre 2012, ils ont par exemple tous été porteurs d’un « staphylocoque doré mectyline résistant ».

Si on donne du MPTP à des primates, c’est pour tester le projet NIR sur leur cerveau. Mais le projet n’avance pas : il est très compliqué d’implanter des émetteurs infrarouges dans le cerveau. Pour l’instant aucun singe parkinsonien n’a vu son état s’améliorer – ni même se détériorer moins lentement – grâce aux infrarouges. En revanche beaucoup sont morts.
Benabid supporte difficilement l’échec. À tel point qu’il préfère l’absence d’analyses aux mauvais résultats. Les cerveaux de singes implantés d’émetteurs infrarouge n’ont jamais été examinés à Clinatec : Benabid a préféré les envoyer en Australie, pour confier leur analyse à un de ses amis, le docteur John Mitrofanis. Cela n’a pas entraîné d’avancée supplémentaire, même si Benabid fanfaronne : « les résultats sur les primates dépassent les espérances initiales » (L’écho, mars 2015). Il faut bien rassurer les mécènes.

Les mécènes comme les journalistes sont en fait obligés de croire la propagande de Benabid. Aucune source n’est accessible pour vérifier le respect des protocoles médicaux, encore moins celui du bien-être animal. On a questionné le « comité de protection des personnes », une sorte de comité d’éthique pour la recherche biomédicale, mais la directrice nous a répondu qu’il « donne des avis, à la demande des promoteurs, sur les essais cliniques concernant le versant de la protection des personnes mais ce travail reste confidentiel ».

Quant aux personnes travaillant de près ou de loin à Clinatec, elles ne parlent pas, et à double titre : outre leur habituel « devoir de réserve », elles ont été récemment sommées par leur direction de se taire afin que les tensions ne s’ébruitent pas à l’extérieur.
Car ces derniers mois, un enjeu autrement plus grand que la bonne utilisation de l’argent public ou le respect des protocoles vis-à-vis des patients était en jeu : le président de Clinatec Alim-Louis Benabid était en lice pour obtenir le prix Nobel de médecine.

À Clinatec, on ne l’appelle ni monsieur Benabid, ni Alim-Louis : toutes les personnes travaillant avec lui le nomment « Ben ». Ce diminutif est utilisé comme une distinction et une marque de respect, pour sacraliser la dévotion générale envers le « gourou ». Le directeur du CEA Jean Therme fait tout son possible pour entretenir l’adulation envers sa personne. Le 12 décembre 2014, il envoyait ce mail : « En cette fin d’année, vous êtes invités à partager un moment privilégié afin de fêter, avec Alim-Louis Benabid et ses proches, les prix prestigieux qui lui ont été remis récemment. Ce sera l’occasion pour nous tous de lui témoigner notre amitié, notre fierté de travailler à ses côtés et notre reconnaissance pour tout ce qu’il a fait et continue à faire pour concrétiser l’ambition de Clinatec ». On ne sait pas si les invités ont dû lui jurer fidélité jusqu’à la fin de ses jours.

Ce monsieur de soixante-treize ans a déjà été maintes fois primé, essentiellement pour avoir développé, dans les années 1980, la stimulation électrique à haute fréquence dans les traitements de la maladie de Parkinson. Sur sa fiche Wikipedia, vingt-deux « distinctions » sont énumérées.
A l’automne dernier, il en a encore eu trois : le « Lifetime Achievement Award », remis à Las Vegas par la « North American Neuromodulation Society », le « Breakthrough Prize in Life Sciences » sponsorisé par Google et Facebook, et le prix Albert-Lasker. Ce dernier est considéré comme l’antichambre du prix Nobel.

Depuis la remise de ce prix Lasker en septembre dernier, le techno-gratin dauphinois s’est mis à rêver de voir un scientifique grenoblois labellisé, quarante-cinq ans après le prix Nobel reçu par Louis Néel. Pour que cette lucrative perspective se réalise (880 000 euros sont remis aux lauréats des prix Nobel), il fallait que la quasi-unanimité régnant en milieu médical autour des travaux et de la personnalité de Ben ne se fissure pas. Que tout le monde n’exprime à l’égard du neurochirurgien qu’« émotion, respect et admiration profonde », comme dirait la députée Geneviève Fioraso, qui l’avait choisi comme président de son comité de soutien pour les élections législatives de 2012. Que rien de négatif ne sorte sur Clinatec, partout considérée comme la clinique de Ben. Qu’on ne raconte ni les échecs, ni les tensions internes, ni la pression mise par le CEA et Benabid pour faire croire aux mécènes et au public que leurs travaux avancent.

Grâce aux menaces, rien n’est sorti jusqu’à la remise du prix Nobel de médecine cuvée 2015, ce lundi 5 octobre. Malgré ce black-out, Ben n’a pas été primé. Garde-t-il encore quelques chances pour l’année prochaine ?

 [1]
 [2]

Les transhumanistes à l’attaque Au téléphone, le directeur de Clinatec François Berger a tenu à nous préciser. « Par contre, il y a quelque chose qui va vous intéresser : j’ai fait une tribune contre le transhumanisme. Je suis violemment opposé aux thèses de Laurent Alexandre. » Et en effet, le dernier numéro de la revue scientifique La Recherche (octobre 2015) publie deux tribunes que tout semble opposer. Laurent Alexandre, chirurgien-urologue, annonce en fanfaronnant que « la victoire des transhumanistes est prévisible », que l’ « opinion elle-même est devenue transhumaniste » et que de toute façon nous « devenons, sans en être conscients, des transhumains ». Quelques pages auparavant, François Berger et deux autres scientifiques, affirment : « Nous avons l’obligation éthique de réagir violemment à la banalisation de l’idéologie transhumaniste ».
Le transhumanisme, terme forgé en 1957 par Julian Huxley, théoricien de l’eugénisme et frère d’Aldous (auteur du Meilleur des mondes), est une idéologie qui vise non seulement à soigner les humains, mais grâce aux progrès conjoints des NBIC (nano et biotechnologie, informatique et science congnitive) à les améliorer, voire à lutter contre la mort, considérée comme une maladie.
Dans les laboratoires français travaillant autour du cerveau, et notamment à Clinatec, on ne communique jamais sur les possibilités d’amélioration de l’humain : on affirme toujours vouloir uniquement soigner. Stratégiquement, c’est assez rusé comme l’avait souligné l’ancienne ministre Geneviève Fioraso : « La santé, c’est incontestable. Lorsque vous avez des oppositions à certaines technologies et que vous faites témoigner des associations de malades, tout le monde adhère. » (France Inter, 27/06/12).
Aux Etats-Unis, les champs d’application des implants cérébraux assumés sont plus vastes. On parle de soigner grâce à eux l’anxiété, le stress ou la dépression des militaires revenant de zones de conflits. Le fondateur de Clinatec, Alim-Louis Benabid, avait déjà annoncé que les implants pouvaient permettre de soigner « la migraine, l’épilepsie, les troubles mentaux, les fameux TOC, le syndrome de la Tourette, l’obésité, l’anorexie ou diverses addictions » (Le Daubé, 4/12/2008).
Dans sa tribune François Berger oppose deux points de vue, le sien, celui d’un homme qui veut « juste soigner » Alzheimer et Parkinson. Et, « à l’opposé de cette démarche », celui des transhumanistes qui se sont emparés des progrès technologiques pour « chercher à construire un humain amélioré, hyperperformant et immortel ». D’un côté des extrémistes, qui promettent l’allongement de la vie à 140, 250, 500 ans voire l’immortalité. De l’autre les gentils chercheurs. Mais la frontière entre ces deux points de vues, qui peuvent cohabiter dans les mêmes laboratoires et développer le même genre de technologies, est-elle si délimitée ? Personne ne s’opposera jamais à ce que des tétraplégiques marchent. Mais les technologies développées à cette occasion pourront permettre de mettre au point la vision nocturne pour les fantassins envoyés en Afghanistan, les QI de 320, et les futurs post-aryens de demain. Qui gagnera à la fin ? Les comités d’éthiques ou les intérêts financiers ?
D’autant plus que la méfiance de François Berger envers les transhumanistes n’est pas tant idéologique : il a surtout peur de la mauvaise publicité que ces derniers pourraient faire à ses travaux. Ainsi écrit-il : « La peur des dérives suscitées par les partisans du transhumanisme risque en effet de provoquer des réactions sociétales qui vont à l’encontre du développement de l’innovation technologique. L’adoption d’un principe de précaution réactionnaire risquerait de bloquer tout développement technologique. Il nous ramènerait à une société moyenâgeuse ». Les implants cérébraux ou la bougie ? Rester un simple humain ou muter en cyborg, aurons-nous vraiment le choix ?

 

Suite  À Clinatec, le fiasco dissimulé

« Faire marcher les tétraplégiques » : c’est une des ambitions de Alim-Louis Benabid, président du directoire de Clinatec, la clinique expérimentale consacrée au cerveau situé sur le site du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives). Pour avoir une caution médicale, Benabid avait également associé le CHU et l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à ce projet. Mais patatras : suite à des tensions autour des risques éthiques et une grande souffrance du personnel, ces partenaires ont été éjectés. C’est une histoire datant d’il y a trois ans, mais la raconter permet d’en apprendre beaucoup sur le fiasco d’un fleuron de la recherche grenobloise. Et sur l’impunité du CEA, qui s’est bien gardé de communiquer là-dessus et qui continue à tenter de capitaliser sur l’image de l’Inserm pour vendre Clinatec.

Entre les murs aseptisés de Clinatec, des hommes armés de fusils à pompe, gilet par balle sur le dos, avancent dans les couloirs. Ils évacuent les agents du CEA de leur propre clinique. Nous sommes le 27 janvier 2016. L’intervention est digne d’une attaque terroriste et les armes portées par la FLS — la force locale de sécurité, une milice privée du CEA — impressionnent tous les témoins de cette scène étrange.

Comment en est-on arrivé là ? Le feu couvait depuis plusieurs mois au sein de Clinatec. En 2011, cette « clinique du futur  » a ouvert sur un terrain du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) de la presqu’île sous les hourras de la communication : 20 millions d’euros d’argent public avaient été investis par l’État et les collectivités locales. Le président fondateur Alim-Louis Benabid promettait de faire marcher les tétraplégiques grâce à des progrès fulgurants sur les interfaces entre cerveau et machine (Brain Computer Interface, BCI, ça fait plus chic). Si la presse et les élus étaient enthousiastes, d’autres dénonçaient les velléités transhumanistes derrière des projets médicaux (voir sur www.piecesetmaindoeuvre.com).
Clinatec, dont le but est de faire des expériences sur des humains, est situé en dehors du milieu hospitalier, à l’intérieur d’une «  zone à régime restrictif », censée protéger le « potentiel technique et scientifique de la nation ». Pour avoir des cautions médicales et morales, Benabid et le CEA s’entourent de l’UJF (Université Joseph-Fourier, absorbée par l’UGA), du CHU et de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), tous partenaires du projet.

Les années passant, aucune innovation majeure n’aboutit et très peu d’informations sortent. Les six chambres d’hôpital de Clinatec ont hébergé plusieurs patients, dont le premier tétraplégique implanté avec le BCI en 2017 (voir encadré). L’implant, défectueux, a causé une infection qui a nécessité son retrait lors d’une opération à risque (voir Le Postillon n° 38). Rien n’est publié sur cet échec et un deuxième handicapé est choisi pour être implanté. Il sera l’objet d’un grand plan com’ de Clinatec, qui invite un parterre de journalistes parisiens en mai 2018. Aucun ne rencontre l’implanté, mais tous reprennent les éléments de langage délivrés ce jour-là.

Le goût du secret est la marque de fabrique du CEA, qui répète ses consignes aux employés, comme : « ne pas communiquer avec la presse  ». Tactique efficace puisqu’il a fallu trois ans pour que des personnes parlent enfin des tensions internes à la clinique, qui ont conduit à l’intervention des hommes armés de la FLS au sein même de Clinatec.

Ce jour-là est l’aboutissement d’une longue mise sous pression et de tensions entre les structures.

Il y a le CEA d’un côté, prêt à tout pour terminer ses projets racoleurs, comme le BCI ou le NIR, un nouvel implant dans le cerveau permettant de lutter contre Parkinson. De l’autre, on trouve les trois partenaires, réunis au sein d’une UMR (Unité mixte de recherche) (1) afin de profiter des équipements de pointe de cette clinique, pour réaliser des recherches médicales moins vendeuses sur le cancer.

Éthique en toc

Les deux blocs ne sont jamais parvenus à s’entendre. Le Postillon s’était déjà fait l’écho de la démission de François Berger, ancien directeur de Clinatec et directeur du secteur sujet-patient (là où les tests humains se déroulent). Berger avait averti dans une lettre du 14/11/2015 à propos des risques encourus par les malades : « mener des patients à Clinatec est très lourd et très coûteux dès que l’on veut respecter les prérequis de sécurité indispensables. Mais aucune dérive ne saurait être acceptée quand on sait l’exposition médiatique sociétale et éthique de Clinatec  ». Il détaille : «  Je n’ai pas eu de réponse à mes questions, donc j’ai actionné ma clause de conscience. J’étais le seul responsable de l’éthique  ».

D’autres documents prouvent les dérives dénoncées par François Berger. En janvier 2016, un syndicaliste du CEA a fait remonter aux tutelles médicales les témoignages récoltés : « une minimisation de la souffrance des malades, une prise de risque occultée aux patients, la déviation du protocole par inclusion de patients seulement pour afficher que le secteur sujets-patients reçoit des malades, l’insuffisance de justification d’essais invasifs, dans le cas de l’implantation, où on enlève une rondelle d’os de cinq centimètres de diamètre  ».

En plus des problèmes éthiques, les employés de Clinatec font face à des incohérences sur la gouvernance. En mai 2015, 60 scientifiques de Clinatec, dont une majorité du CEA, dénoncent dans une lettre « un coup de frein [qui] se fait ressentir de manière notable et inquiétante. (…) Les décisions ne sont plus prises, des projets innovants ayant de fortes chances d’être financés sont soudainement avortés », poursuivent les signataires des quatre tutelles. «  Il est urgent qu’une entente au plus haut niveau soit prise rapidement », défendent les chercheurs de Clinatec « soudés sur le terrain ». Celle-ci ne sera jamais trouvée. Un syndicaliste rapporte : «  Les tutelles ont donné l’impression d’avoir seulement la capacité de sauver les projets plutôt que les scientifiques ».

La presse promeut à longueur d’articles le mythe grenoblois et la supposée entente radieuse entre l’université, la recherche et l’industrie. Ses fondateurs avaient créé Clinatec sur cette prémisse. Mais les tutelles, incapables de s’entendre, font s’effondrer le partenariat entre les quatre institutions. L’échec est cuisant.

Deux coqs sur le même tas de fumier

Parmi les explications, Emmanuel (2) de l’Inserm pense savoir que « Benabid ne voulait pas que les recherches de l’UMR réussissent. Il n’a pas créé Clinatec pour nous faire briller. Alors il a fait chier François Berger partout où il pouvait  ». Dominique rapporte aussi : « Benabid ne supportait pas que l’UMR soit trop active. Il voulait son hôpital, et utiliser son IRM quand il le souhaitait, sans avoir à remplir de planning ». En effet, les premiers résultats scientifiques de l’UMR voient le jour, alors que Benabid rame sur ses projets.

Par ailleurs, dix chercheurs et techniciens font remonter leurs plaintes aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des quatre tutelles, qui organisent enfin une réunion en décembre. Leurs conclusions sont cinglantes : « La situation de Clinatec semble catastrophique au niveau organisationnel. (…) La charge émotionnelle est forte, les conflits d’éthique et l’insécurité d’avenir des projets font qu’il est très difficile de travailler  », conclut le document. À cette époque, Fabrice est en fonction à l’Inserm et souffre : « Quand les problèmes sont arrivés là-bas, c’était un no man’s land. Il n’y avait personne à qui parler pour trouver du soutien  ». En fin d’année 2015, Berger alerte sur «  la probabilité de problèmes très graves » et du « harcèlement sur le terrain qui s’est accru  ». Bonne ambiance.

Pour régler les difficultés, après une réunion CEA/Inserm en novembre 2015, ce dernier décide de retirer ses troupes du bâtiment de Clinatec. Dans la foulée, Benabid en profite pour en remettre une couche : « En novembre, le président du directoire nous demande de partir dans la semaine », se souvient Dominique. La date limite est reportée, mais la pression reste constante : « La stratégie est assez évidente de pousser un membre de l’équipe à la faute, dans le contexte d’un harcèlement fait de petits riens quotidiens, afin de justifier ainsi notre départ immédiat  », affirme Berger, suite à la réunion.

Le CEA continue de faire monter la pression de la cocote Clinatec : « Les bureaux sont déménagés sans l’avis des chercheurs, des badges désactivés, le directoire ne parle pas aux salariés, une lenteur administrative volontaire et un flou total sur le pilotage de Clinatec  », résume-t-on lors de la réunion des CHSCT. Bonne ambiance, encore et toujours.

L’ablation de l’Inserm

Voilà comment, le 27 janvier 2016, on aboutit à l’intervention de la FLS, avec ses cris, ses armes, ses pleurs. La milice privée du CEA est intervenue suite à une discussion où le ton est monté. « Ils ont fait croire à une agression alors que c’était juste une discussion de couloir. Le CEA voulait nous faire passer pour des excités, mais il s’est ridiculisé », estime François Berger, impliqué dans la dispute (3).

Les 28 et 29 janvier, la FLS campe aux portes de Clinatec et empêche les agents du CEA de rentrer pour leur sécurité – les dirigeants du CEA estimant que leurs anciens associés de l’Inserm seraient devenus dangereux. « Suite aux agressions verbales, nous avons décidé de prendre une mesure exceptionnelle », envoie par mail Marie-Noëlle Séméria, directrice du Leti, l’institut du CEA dont dépend Clinatec. « Cela a servi uniquement à faire peur, à intimider les gens et a permis au Leti de montrer sa force », enrage Brigitte de l’Inserm, qui a souffert, comme ses collègues, de cette intervention musclée. Un évènement qui en a marqué beaucoup : « Avec la FLS, on voit qu’on n’est rien. C’est l’impuissance totale. On ne peut pas se faire entendre face aux armes  », témoigne Fabrice, qui a travaillé dans cette clinique du futur.

Benabid utilise un langage plus médical pour résumer l’épisode : « Il m’a dit qu’il fallait “faire une ablation de l’Inserm. Ça va prendre du temps à cicatriser, mais c’est nécessaire”  », rapporte Dominique, salarié de l’Inserm.

Suite à ce pic de tension, l’Institut national de la santé déménage et s’installé pendant deux ans dans des algécos juste à côté de Clinatec. « Pour avoir accès à notre outil de travail, il faut badger tout le temps, pour passer des tourniquets ou franchir les nombreux sas. Tout cela était fait pour nous humilier gratuitement  », sourit jaune Brigitte.

Depuis la fin de 2017, les équipes de l’Inserm sont séparées dans de nouveaux locaux à la Tronche et sur le campus, au prix de coûteux travaux : l’université a par exemple déboursé près de 2 millions d’euros pour rénover deux étages du bâtiment Bio B, sur le campus. Il faut aussi compter la bagatelle de 300 000 euros pour déplacer bureaux et machines.

À la note des travaux s’ajoute le temps perdu par les scientifiques dans cette bataille – « plus de 2 millions d’euros  » d’après le conseil de laboratoire de l’UMR. Une fois l’Inserm définitivement déménagée, elle n’a plus accès au matériel de Clinatec, qui prend la poussière. Deux IRM, dont une opératoire, coûtant plusieurs millions d’euros restent à l’arrêt, tout comme le SPECT-CT (un appareil d’imagerie, 2 millions d’euros) et la plateforme biphoton (un appareil d’imagerie cellulaire, 1,5 million d’euros). Qui a dit qu’il n’y avait plus d’argent pour la recherche ?

Mais malgré ce divorce fracassant impulsé par lui-même, le CEA Grenoble continue d’afficher sur le site de Clinatec les projets Inserm et le visage de Berger, afin de capitaliser sur la réputation de l’institut qu’il a viré. À proprement parler, puisque Clinatec dispose d’un fonds de dotation recueillant les dons pour les recherches. Le départ de l’Inserm soulève pourtant de nombreuses questions sur le futur de Clinatec. « Qu’est ce que représente le CEA sur le marché de la santé ?  », s’interroge Emmanuel. « Il est crédible dans l’énergie nucléaire ou l’infrarouge militaire. Mais dans la santé, non. Alors qui va financer Clinatec, sans l’Inserm avec eux ? Personne ! » D’où la volonté de cacher le divorce.

Facile pour le CEA, qui jouit d’une impunité totale en plus d’être dispensé en permanence de rendre des comptes aux acteurs publics. Cacher ou montrer ce qui lui plaît, voilà bien la force de cette institution. Mensonges, gaspillage d’argent public, mépris de ses partenaires : tout est permis, le CEA croyant se trouver à l’abri des regards indiscret, caché derrière ses hauts grillages et les armes de sa FLS. En apparence, la cicatrisation dont parlait Benabid s’est bien déroulée. Mais les apparences seules ne suffisent plus.

(1) Une UMR (Unité mixte de recherche) est une entité créée à partir de la mise en commun de moyens par plusieurs structures de recherche (ici, le CHU, l’UGA et l’INSERM), mais le CEA n’a jamais fait partie de l’UMR de Clinatec, créant un flou. Celle-ci n’ayant pas de convention d’hébergement avec Clinatec, le CEA a pu facilement demander à l’UMR de partir.

(2) Ce prénom et tous ceux de l’article ont été modifiés.

(3) Contacté, le CEA nous a affirmé vouloir répondre, mais a invoqué la nécessité de validation de cette réponse par toutes le tutelles. Lourdeur administrative ?

Toujours rien de publié, à quand le Segway ?

Le BCI (Brain Computer Interface), cette interface homme-machine qui vise à faire marcher un tétraplégique, avance. En mai 2018, devant la presse, Benabid pérore : « le travail [sur le BCI] a été soumis à une grande revue scientifique internationale  », suite à une implantation réussie – elle consiste en deux trous de 5 cm dans le crâne du patient destiné à accueillir des capteurs. Mais rien n’est sorti sur la prouesse de Clinatec dans la presse scientifique et pour cause : personne n’a rien vu des résultats. Pendant ce temps, en Suisse et aux États-Unis, des articles sur des sujets similaires sont eux bien sortis et le BCI semble dépassé avant même d’être achevé. Alors, à la manière du poisson hors de l’eau, Benabid convulse. Pendant l’événement parisien Big Bang santé, il affirme vouloir « expérimenter [le BCI] sur un Segway, puis sur une tractopelle de jardin  » avec « l’objectif d’améliorer la qualité de vie des handicapés  » (Le Figaro 14/11/2018). Parviendra-t-il, cette fois, à obtenir une caution scientifique plutôt qu’une belle communication ?

Le projet caché

Si l’Inserm apparaît encore sur le site de fonds de dotation alors qu’il ne fait plus partie de Clinatec, un projet nommé CorticalSight se fait lui beaucoup plus discret. Pourtant, un proche de Benabid, Fabien Sauter est affecté depuis février 2017 « au développement d’un dispositif implantable innovant destiné à restaurer la vision ». Le projet, qui se compose d’une mini caméra collée sur des lunettes et d’un implant dans le cerveau censé traduire l’image de la caméra en image mentale, est encore christique. Après le « lève-toi et marche  » du BCI, Benabid et Clinatec continuent avec Jésus, celui qui utilise de la salive pour rendre la vue à l’aveugle. Le projet, en collaboration avec de nombreux autres centres de recherche, est financé par la Darpa, la branche R&D de l’armée américaine. Ouf, les recherches de Benabid vont avant tout servir à faire la guerre.

Benabid fait la manche à Monaco

En novembre dernier, Benabid se pavane cette fois devant le gratin monégasque à l’Hotel Hermitage – 25 000 € la nuit – pour une soirée « Espoir ». Les salons rouge et or accueillent Albert II de Monaco, puis Thibault, tétraplégique, la deuxième personne implantée avec le BCI. Flouté pour « question d’anonymat », il est présenté aux riches du Rocher en fauteuil roulant. Le jeune homme pose pour la photo avec Thierry Henry, entraîneur de l’AS Monaco, et Vadim Vasilyev, bras droit du président du club, Dmitri Rybolovlev (6,8 milliards de dollars sur ses comptes). Cet oligarque russe a été inculpé deux semaines avant la photo pour « trafic d’influence » et « corruption  ». Benabid est toujours à sa place près des gens importants. D’autant que la barre des 30 millions d’euros de dons prévus pour 2018 (et défiscalisés à 66 %) est loin d’être atteinte. En 2018, à peine 17 millions avaient été amassés. Rybolovlev va-t-il sortir le carnet de chèques pour compléter la somme ?