III. CONSIDÉRATIONS LÉGALES ET POLITIQUES
La législation qui a donné naissance à KUBARKnote lui a explicitement dénié toute compétence en matière de maintien de l’ordre ou de pouvoir de police. La détention dans un environnement contrôlé, parfois pour une période prolongée, est pourtant souvent essentielle à la réussite de l’interrogatoire de contre-renseignement d’une source récalcitrante.
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La nécessité éventuelle de cette détention doit évidemment être déterminée aussi tôt que possible.
La légalité de la détention et de l’interrogatoire, ainsi que des méthodes employées, xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
La détention soulève très couramment un problème de légalité : KUBARK ne dispose d’aucune autorité légale indépendante pour détenir qui que ce soit contre sa volonté.
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La précipitation dans laquelle certains interrogatoires ont pu être menés par le passé n’était pas seulement le fait de l’impatience. Certains services de sécurité, particulièrement ceux du bloc sino-soviétique, ont tout loisir de se livrer à leurs activités : le temps travaille pour eux, et leurs méthodes pour réduire la résistance font le reste. Ce n’est généralement pas le cas pour KUBARK. À moins que la personne en passe d’être interrogée puisse être considérée comme coopérative et appelée à le rester indéfiniment, la première étape, dans la planification d’un interrogatoire, consiste donc à déterminer combien de temps elle pourra être retenue. Le choix des méthodes utilisées dépend en partie de la réponse à cette question.
xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
La détention et l’interrogatoire des transfuges dépendent des dispositions de xxxxx x la directive nº 4 ainsi que des directives afférentes émanant de la direction de KUBARK. xxxxx x x x x x x x x x x x xxxxx. Le manuel de référence xxxxx x x x x et aux xxxxx x x x x x x x x pertinents. Les personnes concernées par l’interrogatoire de transfuges, de déserteurs, de réfugiés ou de personnes rapatriées doivent connaître ces références.
Le type d’informations visées par un interrogatoire de contre-renseignement est énoncé dans une directive de la direction de KUBARK, et le manuel de référence approfondit de façon plus détaillée cette question xxxxx x x x x x x x x x x xxxxx.
L’interrogatoire de citoyens de PBPRIME soulève des problèmes particuliers. En premier lieu, de tels interrogatoires ne peuvent être conduits que pour des motifs relevant de la sphère de responsabilité de KUBARK. Par exemple, le xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x mais ne doit normalement pas être directement impliqué. L’activité clandestine, hors du territoire national et au nom d’une puissance étrangère, d’un citoyen de PBPRIME relève des prérogatives de KUBARK en matière d’interrogatoire et d’investigation. Mais tout interrogatoire, entretien ou investigation mené à l’étranger sur un citoyen de PBPRIME se trouvant suspecté ou convaincu d’être engagé dans des activités clandestines menaçant les intérêts et la sûreté de PBPRIME requiert l’autorisation préalable et personnelle du directeur de KUDESKnote ou de son adjoint.
Le 4 octobre 1961, des amendements aux lois sur l’espionnagenote ont prévu des applications de celles-ci à l’extérieur du territoire national ; il est dès lors devenu possible de poursuivre devant des tribunaux fédéraux tout citoyen de PBPRIME contrevenant, à l’étranger, aux dispositions de cette législation. ODENVYnote a demandé à être informé – par avance si les délais le permettent – de toute investigation entreprise dans ce contexte. Un employé de KUBARK ne pouvant être cité comme témoin devant un tribunal, il faut conduire chaque enquête de manière que les preuves obtenues puissent être correctement produites si le cas débouche sur un procès. xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x les politiques étatiques et les procédures pour la conduite d’investigations concernant des citoyens de PBPRIME à l’étranger.
Les interrogatoires conduits par la coercition ou sous la contrainte physique sont particulièrement susceptibles de se révéler illégaux et de mettre KUBARK dans une position délicate. Une autorisation préalable, émanant du niveau de responsabilité KUDOVEnote, est donc obligatoire pour mener l’interrogatoire d’une source contre sa volonté et dans les circonstances suivantes :
1) si des sévices corporels sont infligés ;
2) si du matériel médical, chimique ou électrique, ou des méthodes en rapport, sont utilisés pour induire la coopération ;
3) xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x
Un interrogateur de contre-renseignement confronté à une source non coopérative briefée par une agence hostile sur les restrictions légales qui s’appliquent aux opérations des services d’ODYOKEnote doit s’attendre à la voir recourir à des stratégies efficaces de temporisation. La personne interrogée sait que KUBARK ne pourra pas la détenir longtemps. Et qu’il lui suffit donc de résister pendant une courte période. Nikolai Khokhlovnote a par exemple expliqué avoir eu cette idée en tête au moment de s’envoler vers Francfort pour sa mission d’assassinat : « Si je tombe entre les mains des autorités occidentales, il me suffit de rester circonspect, silencieux, et de nier ma visite à Okolovich. Je sais que je ne serai pas torturé et que, au regard des procédures judiciaires en vigueur à l’Ouest, je peux me permettre une attitude courageuse » [17]note. L’interrogateur en butte à une résistance experte prendra garde de ne pas perdre son sang-froid et de ne pas brusquer la source, au risque de commettre des actes illégaux qui pourraient plus tard être utilisés contre lui. Puisque le temps joue en sa faveur, il doit s’organiser pour en disposer à satiété.
IV. L’INTERROGATEUR
Un certain nombre d’études traitent des aptitudes que l’interrogateur est supposé posséder. La liste de ces qualités tient presque de l’énumération sans fin : attitude professionnelle, énergie, compréhension et compassion, culture générale étendue, connaissance du terrain, « connaissance pratique de la psychologie », maîtrise des ficelles du métier, vivacité intellectuelle, persévérance, intégrité, discrétion, patience, QI élevé, expérience, flexibilité, etc., etc. Certains textes vont jusqu’à s’intéresser aux bonnes manières de l’interrogateur et à sa tenue vestimentaire, l’un précisant même les qualités requises pour sa secrétaire.
Il ne servirait à rien de répéter ici un tel catalogue, tant les aptitudes en question valent indistinctement pour un officier, un agent, un policier, un vendeur ou un bûcheron – elles s’appliquent en fait à n’importe quelle profession. La littérature scientifique n’évoque d’ailleurs aucune étude ou investigation sérieuse susceptible de valider objectivement ce genre de liste en mettant en évidence les dénominateurs communs aux bons interrogateurs.
Les quatre compétences essentielles d’un interrogateur pourraient néanmoins se résumer ainsi : il lui faut posséder 1) assez d’expérience et d’entraînement opérationnel pour déterminer rapidement la piste à suivre ; 2) une bonne maîtrise de la langue utilisée ; 3) une connaissance approfondie du pays natal de la personne interrogée (et de ses services de renseignement, si elle en fait partie) ; 4) une réelle compréhension de la personnalité de la source.
Les stationsnote, ainsi que certaines bases, peuvent recourir à un ou plusieurs interrogateurs satisfaisant ces conditions, individuellement ou en équipe. Pour peu qu’ils soient assez nombreux, l’interrogateur doit être choisi en fonction de la source : les chances de succès en seront accrues (à l’inverse, une présélection trop rigide se révélera nuisible). En effet, comprendre le caractère et les motivations de la personne interrogée représente certainement la plus importante – et la moins répandue – des quatre qualités mentionnées précédemment. Cette question sera d’ailleurs largement traitée un peu plus loin. Mais il convient de faire dès à présent quelques remarques sur ce point, fondamental pour tout interrogateur souhaitant nouer de bons rapports avec sa source – clé du succès pour les interrogatoires non coercitifs.
L’interrogateur ne doit jamais oublier qu’il ne poursuit pas le même objectif que la personne interrogée. Non que celle-ci soit naturellement mauvaise et encline à la rétention d’information ou au mensonge ; ce qu’elle espère tirer de la situation ne correspond simplement pas aux attentes de l’interrogateur. Le but de ce dernier est d’obtenir des données utiles – des faits sur lesquels la source détiendrait des informations. Mais il est rare qu’au début de l’interrogatoire (et parfois pour longtemps) celle-ci se montre enthousiaste à l’idée de passer à table. Elle souhaite plutôt tirer le meilleur parti possible des circonstances. Ce qui l’obsède alors ? Non pas la question « Comment puis-je aider PBPRIME ? », mais plutôt : « Quelle impression suis-je en train de donner ? » ; et dans la foulée : « Que va-t-il m’arriver maintenant ? » Il en va différemment de l’agent infiltré ou provocateur envoyé dans des installations de KUBARK après avoir été entraîné à résister à l’interrogatoire ; lui se sentira parfois assez confiant pour se montrer indifférent à son sort. Dès le début, il cherchera plutôt à engranger des informations sur l’interrogateur et son service.
L’interrogateur chevronné peut gagner beaucoup de temps en devinant les besoins émotionnels de la personne interrogée. Confrontés au représentant officiel d’un pouvoir inconnu et à sa puissance diffuse, la plupart des gens céderont plus rapidement s’ils se sentent traités en individus. Le simple fait de saluer par son nom une personne interrogée à l’ouverture de la session lui fait prendre conscience d’une donnée rassurante : elle est considérée comme un être à part entière, non comme une éponge que l’on presse à volonté. Cela ne signifie pas qu’il faille laisser des personnalités égotistes s’installer durablement dans la chaleureuse prise en compte de leur individualité. Mais montrer clairement que leur personnalité n’est pas niée permet d’apaiser cette crainte d’être rabaissée qui affecte de nombreuses sources à leur premier interrogatoire. Une fois cela posé, la session peut évoluer vers des sujets d’ordre impersonnel. Elle ne sera plus perturbée ou interrompue – pas autant, tout du moins – par des réponses hors de propos, destinées à prouver que la personne interrogée est un membre respectable du genre humain plutôt qu’à fournir des informations.
Bien qu’il soit souvent nécessaire de ruser pour amener les gens à révéler ce que nous voulons, spécialement lors des interrogatoires de contre-renseignement, l’interrogateur doit d’abord se demander : « Comment puis-je lui donner envie de me dire ce qu’il sait ? » Et non : « Comment puis-je le piéger de manière qu’il me révèle ce qu’il sait ? » Si la personne interrogée se montre, pour des raisons idéologiques, vraiment hostile, il convient alors de recourir aux techniques de manipulation. Mais supposer une hostilité – ou, pire, user de stratégies de pression dès la première rencontre – peut compliquer la tâche, même avec des sources qui auraient bien réagi à la reconnaissance initiale de leur individualité et de leur bonne volonté.
Une autre remarque préliminaire à propos de l’interrogateur : il lui faut laisser sa personnalité au vestiaire. Il ne doit en aucune manière se sentir réjoui, flatté, frustré, exaspéré ou touché émotionnellement par l’interrogatoire. Il aura parfois intérêt à afficher un sentiment calculé, mais cela reste une exception, à utiliser dans un but précis ; même en de telles circonstances, l’interrogateur doit garder un contrôle total. La situation d’interrogatoire induit une grande intensité dans les échanges interpersonnels ; il s’agit donc d’y apporter un contrepoint par une attitude que le sujet puisse clairement considérer comme juste et objective. L’agent qui s’implique personnellement et qui s’investit émotionnellement dans les situations d’interrogatoire rencontrera à l’occasion des succès (parfois spectaculaires), mais son rendement moyen sera souvent mauvais.
On estime généralement que l’interrogateur doit être un « connaisseur avisé de la nature humaine ». En fait, xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[3] L’étude en question expose plus avantnote (dans le passage commençant par « Nous cherchions à déterminer à quel point il est possible de porter un jugement fiable sur quelqu’un à partir d’observations superficielles. Une fois différents jugements collectés au cours des recherches, un consensus s’est dégagé : certaines personnes se révèlent plus douées pour l’exercice – ce n’est pas un simple coup de chance […]. » Néanmoins, « le degré de fiabilité du jugement porté est si faible qu’il a été difficile de déterminer quels étaient les individus les plus performants en la matière […]. ») [3] Pour résumer, l’interrogateur aura tendance à surestimer ses capacités à cerner une personnalité donnée, surtout s’il a été peu (ou pas du tout) formé à la psychologie moderne. Les erreurs dans l’évaluation et la prise en main d’un sujet résultent ainsi plus souvent d’un avis expéditif fondé sur une confiance excessive en son propre jugement que d’une opinion nuancée en l’absence d’éléments qui restent encore à obtenir.
De nombreux débats ont opposé les spécialistes de l’interrogatoire aux experts en psychologie. Certaines données disponibles suggèrent que ces derniers posséderaient un léger avantage. En matière de contre-renseignement, ce débat reste toutefois purement académique.
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Assigner les interrogateurs peu expérimentés à un poste de garde ou à d’autres tâches en rapport direct avec l’interrogatoire permet de les préparer au mieux : ils peuvent ainsi observer le processus de près avant de s’en charger. L’utilisation d’interrogateurs débutants en tant qu’intervieweurs (cf. chapitre vi) est également recommandée.
Toute approche fondée sur la conviction, fréquemment exprimée par les novices, que l’interrogatoire est avant tout un conflit d’intelligences entre deux personnes doit être nuancée ; l’interrogateur de contre-renseignement confronté à une source entraînée et résistante doit se réserver la possibilité de recourir à diverses formes d’assistance – y compris déléguées par le Quartier général (ces dernières sont abordées dans le chapitre viii). La forte personnalisation de la situation d’interrogatoire devrait inciter le questionneur de KUBARK à ne pas viser une victoire personnelle, mais à se focaliser sur son véritable objectif : récolter toutes les informations nécessaires par tous les moyens autorisés.
* note Si possible, l’interrogateur doit être épaulé par un analyste qualifié qui sera chargé de passer au crible sa « séance » du jour ; l’expérience a montré qu’une telle démarche permet de pointer les éléments à approfondir et à clarifier, pour une approche exhaustive du sujet interrogé.
V. LA PERSONNE INTERROGÉE
A. TYPES DE SOURCES :
LES CATÉGORIES DU RENSEIGNEMENT
Pour un service de renseignement, les catégories de personnes fournissant le plus fréquemment – une fois questionnées – des informations utiles sont les voyageurs ; les rapatriés ; les transfuges ; les déserteurs et les réfugiés ; les sources transférées ; les agents, dont les agents provocateurs, doubles et infiltrés ; les escrocs et les mythomanes.
1. Les voyageurs sont généralement interviewés, débriefés ou questionnés via des techniques d’extraction de l’information. S’ils subissent un véritable interrogatoire, c’est qu’ils sont soupçonnés ou convaincus d’appartenir à l’une des catégories suivantes.
2. Les rapatriés sont parfois soumis à un interrogatoire, bien que d’autres techniques aient davantage cours en ce qui les concerne. Puisque le sujet se trouve placé sous la juridiction du gouvernement qui l’accueille, cet interrogatoire éventuel sera fréquemment délégué à un service de liaison plutôt qu’à KUBARK. Si KUBARK le conduit quand même, les étapes préliminaires suivantes se révèlent indispensables :
a) un enregistrement de contrôle, avec transmission de copies au niveau local et au Quartier général ;
b) un test de bonne foi ;
c) une évaluation du type et de la valeur des contacts entretenus par le rapatrié à l’extérieur de son propre pays ;
d) une estimation préalable de ses motivations (en tenant compte de son orientation politique), de sa fiabilité et de ses capacités en tant qu’observateur et commentateur ;
e) une évaluation de toutes ses relations dans les milieux communistes et dans ceux du renseignement – avec un service ou un parti de son propre pays, du pays dans lequel il est détenu ou interrogé, ou d’un autre. Ici, chaque détail a son importance.
3. Les transfuges, déserteurs et réfugiés sont généralement interrogés suffisamment longtemps pour que puisse être effectué un test préliminaire de bonne foi. L’expérience des années d’après-guerre a démontré : 1) que les transfuges soviétiques ne faisaient presque jamais défection à cause du seul travail de persuasion des services occidentaux, ni même en grande partie à cause de lui ; 2) qu’ils quittaient généralement l’URSS pour des raisons personnelles plutôt qu’idéologiques ; 3) qu’ils étaient souvent des agents du RISnote.
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Toutes les analyses menées sur le flux de transfuges et de réfugiés ont prouvé que les services de renseignement hostiles sont conscients des avantages de ce canal pour infiltrer leurs agents dans les pays cibles.
4. Les sources transférées, qu’un autre service adresse à KUBARK pour interrogatoire, sont généralement suffisamment connues de ce service pour qu’un dossier ait été constitué. KUBARK doit si possible s’en procurer une copie, ou un équivalent parfaitement documenté, avant d’accepter le transfert.
5. Les agents sont plus fréquemment débriefés que soumis à un interrogatoire.
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a) L’agent provocateur : nombre d’agents provocateurs sont des défecteursnote se faisant passer pour des déserteurs, des réfugiés ou des transfuges pour infiltrer des groupes d’émigrés, les services de renseignement d’ODYOKE ou d’autres cibles désignées par des services hostiles. De telles impostures sont parfois mises au jour grâce aux dénonciations de véritables réfugiés ou à des informations obtenues grâce à des documents, des officiers locaux ou d’autres sources de même type ; mais, le plus souvent, c’est la maîtrise de l’interrogatoire qui permet de les détecter. Une section ultérieure de ce manuel traite ainsi des tests préliminaires de bonne foi. Les résultats de ces tests débouchent rarement sur une conclusion définitive. Pour soutirer des aveux et des révélations complètes, il faut fréquemment en passer par un interrogatoire approfondi. Une fois cela fait, et pour peu que son statut soit pris en compte de façon adéquate (lors de l’entretien, puis de la rédaction des rapports), l’agent provocateur peut – indifféremment – être questionné dans une optique de renseignement formel et opérationnel ou de contre-renseignement.
b) L’agent double est communément interrogé parce qu’il existe une certitude, ou une forte suspicion, qu’il sert de « taupe » pour un service ennemi. De même qu’avec un agent provocateur, des investigations préliminaires méthodiques se révéleront très utiles à la suite de la session. C’est là un principe essentiel des interrogatoires : avant même le début de la confrontation, le questionneur doit disposer de toutes les informations pertinentes qu’il lui est possible de recueillir sans mettre en alerte la future personne interrogée.
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d) Les escrocs et les mythomanes : on les interroge davantage pour des raisons prophylactiques que dans une optique de contre-renseignement. L’objectif est d’empêcher – ou de faire cesser – des nuisances contre KUBARK ou d’autres services d’ODYOKE. En matière de contre-renseignement, les escrocs et mythomanes ont peu d’informations judicieuses à fournir, mais ils savent comme personne vous faire perdre du temps. Les interroger est donc rarement concluant. Si l’interrogatoire se prolonge, il se révélera tout bonnement improductif. Il pourrait en aller différemment des monnayeurs professionnels d’information, dotés de nombreux contacts dans le monde du renseignement, mais ils sont habituellement en cheville avec le service de sécurité du pays où ils résident – ils ne pourraient sinon mener impunément leurs activités.
B. TYPES DE SOURCES : LES CATÉGORIES SELON LA PERSONNALITÉ
Il existe un grand nombre de systèmes conçus pour ranger les êtres humains dans des petites cases. La plupart sont d’une pertinence douteuse. Certains schémas de ce type sont d’ailleurs présentés dans les manuels d’interrogatoire. Il existe deux typologies principales : le classement selon des critères psychologico-émotionnels et celui fondé sur des critères géographico-culturels. Les partisans du premier système de classification font valoir que les modèles psychologico-émotionnels de base ne varient guère selon l’époque, le lieu ou la culture. Les tenants de l’autre école soutiennent qu’il existe un caractère de type national ainsi que des déclinaisons infranationales de celui-ci. Les manuels s’appuyant sur ce deuxième principe recommandent ainsi d’adapter les approches selon les différentes cultures, réparties par zones géographiques.
C’est indéniable : la source ne peut être comprise si son environnement n’est pas pris en compte, si on fait abstraction de son contexte social. Certaines des bourdes les plus éclatantes commises lors d’interrogatoires (ou lors d’opérations semblables) ont ainsi résulté de la méconnaissance du cadre de vie de la personne interrogée. En outre, les schématisations fondées sur des critères émotionnels et psychologiques dépeignent parfois des cas plus extrêmes et atypiques que la moyenne des personnes communément soumises aux interrogatoires. De telles typologies sont même remises en cause par les psychiatres et psychologues professionnels. Les interrogateurs qui les adoptent et qui décèlent chez une source une ou deux caractéristiques du « type A » sont susceptibles de la classer à tort dans la catégorie A, fondant la suite de leur analyse sur cette erreur.
Il existe cependant de bonnes objections à l’adoption, dans le cadre d’un interrogatoire, d’un classement s’appuyant sur des notions culturelles et géographiques (alors que cette approche peut se révéler utile dans le contexte d’une opération KUCAGEnote). Les pièges liés à l’ignorance de la culture propre à la source ont xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
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La solution idéale consisterait à éviter toute forme de catégorisation. Les schémas étiquetant les gens sont par essence erronés. Appliqués de manière arbitraire, ils ont toujours débouché sur des aberrations. Tout interrogateur sait qu’une réelle compréhension de l’individu est beaucoup plus précieuse qu’une connaissance approfondie de l’étiquette qui lui a été apposée. Dans une optique d’interrogatoire, la façon dont le sujet s’éloigne de son modèle type peut d’ailleurs se révéler plus parlante que la manière dont il s’y conforme.
Mais KUBARK ne dispose pas du temps ou du personnel nécessaire pour sonder chaque source en profondeur. Dans les phases préliminaires de l’interrogatoire, comme dans le cas d’un interrogatoire expéditif, il nous faut donc recourir à une forme de classification sommaire, malgré les raccourcis afférents. Au fond, il en va des moyens de catégorisation comme des autres outils disponibles : ils n’ont une utilité que s’ils sont reconnus à leur juste valeur – un ensemble d’étiquettes facilitant la communication, mais qui ne sont pas forcément très adaptées aux gens ainsi labellisés. Si une personne interrogée s’obstine à mentir, l’interrogateur peut en prendre note et la congédier sous l’étiquette de « menteur pathologique ». Elle est pourtant – pas moins que d’autres sources – susceptible de détenir de précieuses informations de contre-renseignement (ou autre). Loin de se contenter d’une rapide classification, l’interrogateur à même de les lui extorquer saura s’intéresser à ses raisons de mentir autant qu’à ses mensonges eux-mêmes.
Maintenant que ces réserves ont été énoncées, nous allons décrire – ci-dessous – neuf types de personnalité. Ceux qui jugent utiles ces catégories psychologico-émotionnelles ont tout intérêt à s’en servir, les autres s’en dispenseront. Elles se fondent sur l’idée que le passé d’une personne se reflète toujours, même faiblement, dans son comportement et sa morale. Les vieux singes peuvent apprendre de nouveaux tours, non de nouvelles manières de les assimiler. Les gens changent ? Certes. Mais ce qui apparaît comme un nouveau comportement ou cadre psychologique ne constitue généralement qu’une variation sur un thème plus ancien.
Nous ne prétendons pas que notre système de classification est exhaustif ; certaines personnes interrogées n’entreront dans aucune case. Et, comme toutes les typologies, ce système est perverti par les chevauchements – une partie des sources afficheront des caractéristiques propres à plusieurs catégories. L’interrogateur ne doit donc pas oublier que le fait de trouver chez quelqu’un certaines caractéristiques d’un groupe ne justifie nullement d’en conclure que cette personne « appartient » à ce groupe. Il doit aussi garder à l’esprit qu’aucune catégorisation – même pertinente – ne permet à elle seule de comprendre quelqu’un ; elle représente simplement une aide à cette compréhension.
Les neufs principaux groupes relevant des catégories psychologico-émotionnelles adoptées pour ce manuel sont les suivants :
1. La personnalité disciplinée-obstinée se montre économe, ordonnée et froide. La plupart du temps, elle est assez intellectuelle. Peu impulsive, elle réfléchit avant d’agir et pense de manière logique. Prendre une décision lui demande souvent beaucoup de temps. Les personnes relevant de cette catégorie ne feront pas de réels sacrifices pour une cause, mais s’en serviront plutôt comme moyen temporaire d’obtenir un gain personnel permanent. Elles se veulent impénétrables, et se montrent rétives à confier leurs plans et complots, lesquels ont fréquemment pour objet le renversement d’une forme d’autorité. Elles sont également obstinées, même si elles peuvent prétendre coopérer, voire se persuader qu’elles le font. Pour ne rien arranger, elles se complaisent dans le ressentiment.
La personnalité disciplinée-obstinée se considère comme supérieure. Ce sentiment se teinte parfois d’une forme de pensée irrationnelle faisant la part belle à toutes sortes de superstitions et fantasmes quant à la maîtrise de son environnement. Elle peut même revendiquer ses propres critères moraux et entretient parfois secrètement son complexe de supériorité en provoquant des traitements injustes à son égard. Autre caractéristique : elle tentera toujours de se réserver une porte de sortie en évitant de s’impliquer réellement. Elle est aussi – et a toujours été – obsédée par les biens qu’elle possède. Généralement avare, elle ne jette rien, éprouve un fort sentiment de propriété et se montre aussi ponctuelle que soignée. Son argent et toutes ses possessions revêtent à ses yeux une dimension particulière : ils font partie intégrante de sa personnalité. Ses poches sont souvent remplies de monnaie tintinnabulante, de souvenirs, d’un trousseau de clés et d’autres objets dotés d’une valeur réelle ou symbolique.
Les gens appartenant à ce groupe ont généralement été des enfants rebelles, enclins à toujours faire l’inverse de ce qu’on leur demandait. S’ils peuvent avoir appris – une fois adultes – à dissimuler leur résistance sur un mode passif-agressif, leur détermination à tracer leur propre route reste intacte ; ils ont simplement compris qu’il valait parfois mieux procéder de manière indirecte. Peur et haine profondes de l’autorité, ancrées depuis l’enfance, sont ainsi souvent habilement camouflées à l’âge adulte. Au cours d’un interrogatoire, une telle personnalité peut passer facilement et rapidement aux aveux, confessant même des actes qu’elle n’a pas commis, de manière à lancer l’interrogateur sur une fausse piste et à l’empêcher de mettre le doigt sur un élément important (plus rarement, elle peut agir de la sorte parce qu’elle se sent coupable).
L’interrogateur ayant affaire à une personnalité disciplinée-obstinée doit éviter d’endosser le rôle de l’autorité hostile. Les menaces et gestes agressifs, les poings tapant sur la table, les accusations de tentatives d’évasion ou de mensonges, et toutes les tactiques autoritaires du même style ne feront qu’accentuer de vieilles angoisses et déclencher les mécanismes de défense afférents. Pour désamorcer toute animosité, l’interrogateur doit donc privilégier une approche bienveillante. Il a aussi intérêt à prêter un soin particulier à la propreté de la salle et de sa propre personne. Les personnes relevant de cette catégorie aiment souvent collectionner des pièces de monnaie ou d’autres objets : passer un peu de temps à en discuter peut permettre de briser partiellement la glace. Avec de telles sources, il est de toute façon fondamental de nouer de bonnes relations.
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2. La personnalité optimiste se montre presque toujours insouciante, impulsive et inconstante ; elle manque de fiabilité. Elle semble perpétuellement nager dans le bonheur. Confrontée à une défaillance, elle peut se montrer magnanime, se comportant avec les autres comme elle aimerait qu’on le fasse avec elle. Elle est parfois alcoolique ou droguée. Résistant mal à la pression, ce genre de personne ne réagit pas au défi en intensifiant ses efforts, mais plutôt en se défilant pour éviter le conflit. Si elle est convaincue que « la situation va se débloquer » et que « tout finira par s’arranger », c’est qu’elle ressent le besoin de fuir sa propre responsabilité et de se réfugier sous les auspices d’un destin bienveillant.
Une telle personne a généralement bénéficié, par le passé, d’une trop grande indulgence. Elle est parfois le plus jeune membre d’une famille nombreuse ou l’enfant d’une femme d’âge mûr (ce qu’on appelle un « bébé de la dernière chance »). Si elle a rencontré de grandes frustrations à la sortie de l’enfance, elle peut se montrer irritable, aigrie et constamment exigeante.
Dans le cadre d’un interrogatoire, les personnalités optimistes répondent mieux à une approche aimable et paternelle. Si elles refusent de se livrer, la technique du bon et du mauvais flic, abordée plus loin dans ces pages, portera généralement ses fruits. Alors que des stratégies de pression ou une hostilité affichée les pousseront à rentrer dans leur coquille, des marques de bienveillance les encourageront à se confier. Ces personnes espèrent souvent des promesses et ont tendance à ériger l’interrogateur en protecteur résolvant tous les problèmes. Ce dernier doit donc éviter de s’engager inconsidérément sur des points précis, au risque sinon que la rancœur de la personnalité optimiste se révèle ensuite difficile à gérer.
3. La personnalité avide et exigeante se colle aux autres comme une sangsue et s’y cramponne obstinément. Extrêmement dépendante et passive, elle exige constamment que les autres prennent soin d’elle et se plient à ses volontés. Lorsqu’elle s’estime lésée, elle ne cherche pas à se faire justice, mais tente de persuader quelqu’un de prendre fait et cause pour elle – « Va lui montrer que ça ne se passe pas comme ça ! » Sa loyauté peut largement fluctuer dès lors qu’elle estime que le protecteur choisi l’a laissée tomber. Les transfuges appartenant à cette catégorie se sentent aigris parce que leurs désirs n’étaient pas satisfaits dans leur pays d’origine, mais ils s’estimeront rapidement tout aussi maltraités dans une nouvelle patrie et se retourneront de la même manière contre son gouvernement ou ses représentants. De telles personnes sont fréquemment sujettes à la dépression. Elles peuvent aussi retourner leur désir de vengeance contre elles-mêmes ; jusqu’au suicide, dans les cas extrêmes.
Les sujets au caractère avide et exigeant ont souvent souffert très jeunes d’un manque d’affection ou de sécurité. Devenus adultes, ils continuent à chercher des parents de substitution pour s’occuper d’eux, parce qu’ils estiment que les leurs ne l’ont pas fait.
Un interrogateur confronté à une telle personnalité doit faire en sorte de ne pas la repousser, sous peine de détruire toute forme de relation avec elle. Mais il ne doit pas pour autant accéder aux requêtes impossibles à satisfaire, ou qui ne devraient pas l’être. Adopter une posture de père ou de grand frère est ainsi une bonne manière de rendre le sujet coopératif. S’il avance des exigences exorbitantes, une faveur de moindre importance constituera souvent un substitut satisfaisant, la demande initiale correspondant davantage au besoin d’être rassuré qu’à une revendication spécifique. Il est donc probable que toute manifestation de sollicitude à l’égard de la source la tranquillise.
Dans ses rapports avec les personnes relevant de cette catégorie – ainsi qu’avec la très grande majorité de celles listées ici –, l’interrogateur doit rester conscient des limites et pièges de la persuasion rationnelle. S’il l’incite à coopérer en faisant appel à la logique, il doit d’abord s’assurer que la résistance de la source se fonde bien sur celle-ci. Si cette opposition se révèle (en partie ou totalement) émotionnelle plutôt que rationnelle, son approche se montrera infructueuse. Une résistance émotionnelle ne peut être vaincue que par une manipulation du même ordre.
4. La personnalité anxieuse et égocentrique est engagée dans une lutte perpétuelle pour dissimuler combien elle est habitée par la crainte. Il s’agit souvent d’une tête brûlée qui compense son anxiété en prétendant que le danger n’existe pas. Un sujet de ce genre pourrait tout aussi bien être acrobate aérien ou artiste de cirque, afin de « prouver » sa valeur devant des foules. Ou un don Juan. Il a tendance à fanfaronner, et ment souvent pour satisfaire son besoin d’être approuvé et admiré. Soldat ou officier, il a pu être décoré pour faits de bravoure ; le cas échéant, ses camarades ont peut-être compris que ses exploits résultaient surtout du plaisir pris à s’exposer au danger et de la jouissance anticipée de la récompense, de l’approbation et des applaudissements. La personnalité anxieuse et égocentrique est d’ordinaire aussi vaniteuse que sensible.
Les personnes correspondant à cette description sont réellement plus craintives que la moyenne. Les raisons de cette anxiété, intense mais dissimulée, sont trop complexes et subtiles pour être discutées ici.
Pour l’interrogateur, les opportunités offertes par cette anxiété masquée comptent de toute façon davantage que ses causes ; elle peut en effet être utilisée avec succès pour manipuler la source. En général, son besoin de faire bonne impression sautera rapidement aux yeux. Ce genre de personne se montre souvent volubile. Il ne sert à rien de provoquer son ressentiment ou de la faire taire en ignorant et en ridiculisant ses fanfaronnades, voire de la stopper net en lui intimant de ne pas se disperser. Tabler sur sa vanité, spécialement en vantant son courage, peut en revanche se révéler une tactique efficace pour peu qu’elle soit habilement menée. Si la source dissimule des faits importants, tels que ses contacts avec des services hostiles, la convaincre que la vérité ne lui nuira pas et souligner la dureté et la stupidité d’un adversaire capable d’impliquer une personne si valeureuse dans une mission si mal préparée l’amènera probablement à les divulguer. Il n’y a de toute façon pas grand-chose à gagner – mais beaucoup à perdre – à relever ses mensonges sans intérêt. Tant qu’elles ne font pas perdre trop de temps, les vantardises flagrantes à propos d’actions héroïques, de prouesses sexuelles ou d’autres « preuves » de courage et de virilité doivent donc être accueillies en silence ou par des commentaires bienveillants, mais évasifs. Si l’usage opérationnel d’une telle source est envisagé, son recrutement peut parfois s’effectuer via une question de ce genre : « Je me demande si vous seriez capable de vous charger d’une mission dangereuse ? »
5. La personnalité tourmentée par le remords est fortement, et de manière irrationnelle, obsédée par sa mauvaise conscience. Sa vie tout entière semble guidée par l’objectif de se délivrer de son sentiment de culpabilité. Elle paraît parfois déterminée à expier ; à d’autres moments, elle insiste sur le fait que tout ce qui a mal tourné est la faute de quelqu’un d’autre. Dans les deux cas, elle est constamment en quête de preuves ou de signes indiquant que la culpabilité des autres est plus lourde que la sienne. Son désir de démontrer qu’elle a été injustement traitée tourne souvent à l’obsession. En fait, il arrive qu’elle provoque sciemment des mauvais traitements dans le but de purifier sa conscience par la punition. Les joueurs compulsifs qui n’éprouvent pas de réel plaisir à gagner, mais sont soulagés par la défaite appartiennent à cette catégorie. Comme les gens avouant des crimes qu’ils n’ont pas commis. Il arrive même que ces personnes commettent réellement des crimes dans le but de les confesser et d’être punis. Les masochistes relèvent également de cette catégorie.
De nombreux complexes de culpabilité trouvent leur origine dans des torts imaginaires ou réels infligés par le sujet à des gens – parents ou autres – qu’il estimait devoir aimer et honorer. De tels individus ont parfois été largement réprimandés et punis durant leur enfance. Ou alors ils étaient des enfants « modèles » qui réprimaient en eux toute pulsion hostile.
Les personnalités tourmentées par le remords sont difficiles à interroger. Elles peuvent très bien « confesser » une activité clandestine ennemie ou d’autres faits concernant KUBARK sans même y avoir été mêlées ; les accusations de l’interrogateur sont ainsi susceptibles de déclencher des aveux factices. Elles gardent aussi parfois le silence face aux accusations, se délectant de la « punition ». Même les soumettre à des tests LCFLUTTERnote se révèle globalement inutile. Et les difficultés liées à leur interrogatoire varient tellement d’un cas à l’autre qu’il est presque impossible de lister une série de principes généraux convaincants. Le meilleur conseil à donner à l’interrogateur, une fois que des données de la procédure préinterrogatoire (cf. chapitre vi) ou les préoccupations excessives du sujet pour tout jugement d’ordre moral ont attiré son attention, est peut-être celui-ci : il doit considérer comme suspecte et subjective toute information de la source touchant à sa propre considération morale. Par ailleurs, des personnes habitées d’un fort sentiment de culpabilité peuvent passer de la résistance à la coopération si on leur inflige une punition, tant elles éprouvent de plaisir à être châtiées.
6. La personnalité qui échoue devant le succèsnote est très proche de celle tourmentée par le remords. Elle ne supporte pas le succès et échoue à franchir chaque étape essentielle de son existence – elle est même souvent victime d’accidents. Son existence pourrait se résumer à ce schéma typique : autrefois considérée comme prometteuse, elle fut sur le point de réussir une mission ou une prouesse importante, mais ne l’a jamais menée à terme. Elle apprécie les ambitions tant qu’elles restent de l’ordre du fantasme et se débrouille toujours pour qu’elles ne se réalisent jamais. Alors que ses proches la pensent souvent sur le point de réussir, quelque chose finit toujours par se mettre en travers de sa route. Il s’agit en réalité d’un complexe de culpabilité, semblable à celui décrit précédemment. La conscience de la personne fuyant la réussite lui interdit les plaisirs de l’accomplissement et de la reconnaissance. Et elle évacue fréquemment ses sentiments de culpabilité en reportant la responsabilité de tous ses échecs sur quelqu’un d’autre. Elle peut aussi éprouver un fort besoin de souffrance, être en quête de danger ou de blessure.
Ces personnes « ne pouvant supporter la bonne fortune » ne posent pas de problème particulier quand elles sont soumises à l’interrogatoire. Sauf si les questions touchent à leur sentiment de culpabilité ou aux raisons de leurs échecs passés : elles exposeront alors des distorsions subjectives de la réalité au lieu de faits. L’interrogateur aguerri saura se méfier de ce manque de fiabilité.
7. La personnalité schizoïde ou marginale vit la plupart du temps dans un monde de fantasmes. Elle semble parfois incapable de faire la distinction entre la réalité et ses projections. Le monde réel lui paraît vide et dépourvu de sens en comparaison de l’univers plein de significations mystérieuses qu’elle s’est forgé. Elle se montre extrêmement intolérante envers toute forme de frustration advenant dans le monde extérieur, et y réagit en se retirant dans son univers intérieur. Elle ne s’attache pas réellement aux autres, même si elle peut leur attribuer des valeurs ou significations symboliques et privées.
Les enfants élevés dans des foyers au sein desquels l’affection et l’attention ordinaires faisaient défaut, ou encore dans des orphelinats ou des communautés en marge de l’État, ont plus de chances d’appartenir à cette catégorie une fois adultes. Parce que leurs efforts juvéniles pour se lier aux autres ont été rejetés, ils n’ont plus assez confiance pour s’attacher et se replient sur eux-mêmes. Tout lien noué avec un groupe ou un pays se révélera donc peu fiable et, en règle générale, éphémère. Dans le même temps, les personnalités schizoïdes ont pourtant besoin de l’approbation du reste du monde. Même si elles se retirent de la réalité, elles ne veulent pas se sentir abandonnées.
Soumise à l’interrogatoire, une personne de ce genre mentira volontiers pour susciter de la sympathie. Elle dira à l’interrogateur ce qu’il veut – selon elle – entendre, pour le seul plaisir de voir un sourire illuminer son visage. Parce qu’elle n’est pas toujours capable de faire la distinction entre le réel et l’imaginaire, elle n’aura même pas forcément conscience de mentir. Mais son besoin d’être approuvée donne une prise à l’interrogateur. Alors que des accusations de mensonge ou d’autres marques de mépris pousseront le sujet schizoïde à rentrer dans sa coquille, on peut l’amener à dire la vérité : il suffit de le convaincre qu’il n’a rien à gagner à rapporter des faits erronés et rien à perdre à exposer des faits réels.
À l’image de la personnalité tourmentée par le remords, le schizoïde n’est pas vraiment fiable lorsqu’il est confronté à des tests LCFLUTTER : son fonctionnement psychologique le pousse à confondre faits et fantasmes. Il a également peu de chances de faire un bon agent en raison de son incapacité à se confronter à la réalité et à nouer de vraies relations.
8. La personnalité qui s’estime exceptionnelle pense que le monde lui a fait beaucoup de torts. Elle est convaincue d’avoir souffert d’une grave injustice, généralement à une période précoce de sa vie, et de mériter réparation. Cette injustice est parfois le fait d’un destin aveugle, qu’il s’agisse d’une difformité physique, d’une maladie très douloureuse ou d’une opération subie durant l’enfance, voire de la perte précoce d’un parent ou des deux. Persuadée que ces malheurs n’étaient pas justifiés, elle s’estime victime d’un destin inique que quelqu’un ou quelque chose doit corriger. Et elle juge prioritaire cette exigence de justice. Si cette revendication est ignorée ou repoussée, elle adopte une posture rebelle, à la manière habituelle des adolescents. Ceci parce qu’elle est convaincue que la justesse de ses réclamations saute aux yeux et que tout refus de les honorer relève forcément d’une malveillance délibérée.
Lors d’un interrogatoire, de tels individus sont susceptibles d’exiger de l’argent, de l’aide pour s’installer ailleurs, et d’autres traitements de faveur totalement disproportionnés eu égard à la valeur de leurs contributions. Une réponse ambiguë à de telles demandes sera interprétée comme un accord. De toutes les catégories abordées ici, la personnalité qui s’estime exceptionnelle est celle qui aura le plus tendance à porter devant les tribunaux ou à divulguer dans la presse une injustice dont elle tient KUBARK pour responsable.
La meilleure ligne de conduite à adopter face à ce type de personnes est d’écouter attentivement leurs plaintes (sans toutefois perdre trop de temps) et de ne prendre aucun engagement qui ne saurait être pleinement tenu. Pour peu qu’ils appartiennent à cette catégorie, les transfuges de services de renseignement ennemis, les agents doubles et provocateurs, de même que les individus ayant entretenu un réel contact avec un service sino-soviétique, peuvent se montrer très réceptifs si l’interrogateur suggère qu’ils ont été injustement traités. En revanche, tout recours opérationnel et planifié à de telles personnalités doit tenir compte du fait qu’elles n’éprouvent aucune loyauté envers une cause collective et qu’elles peuvent se retourner avec véhémence contre leurs supérieurs.
9. La personnalité moyenne ou normale peut très bien afficher certaines des caractéristiques précédemment listées. Il est même probable qu’elle endosse la majorité d’entre elles, voire la totalité, au fil de son existence. Mais aucune ne dominera sur la longueur. Les traits propres à tout homme, tels que l’obstination, l’optimisme irréaliste ou l’anxiété, ne deviendront ainsi jamais prépondérants ou impérieux – si ce n’est pendant une courte période. D’autant que le rapport de la personnalité moyenne au monde qui l’entoure est davantage le fruit d’événements réels que celui de l’application d’une grille de lecture subjective et rigide, ainsi qu’il en va pour les autres personnalités abordées.
C. AUTRES INDICES
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Il y a des chances pour que le véritable transfuge (à distinguer de l’agent ennemi qui feint d’en être un) se soit précédemment opposé à l’autorité. Les transfuges quittant leur pays d’origine parce qu’ils ne parviennent pas à s’entendre avec leurs supérieurs – immédiats ou plus lointains – auront malheureusement aussi tendance à se rebeller dans leur nouvel environnement (cette dimension joue en général un rôle majeur dans les cas de seconde défection). C’est pourquoi les transfuges appartiennent souvent à l’une des catégories suivantes : personnalité disciplinée-obstinée, personnalité avide et exigeante, personnalité schizoïde, ou personnalité qui s’estime exceptionnelle.
Des expériences et des analyses statistiques menées à l’université du Minnesota ont cherché à déterminer le rapport entre l’angoisse et les tendances d’affiliation (l’envie d’être avec d’autres personnes) d’une part, l’angoisse et la position ordinale (le rang parmi les naissances familiales) d’autre part. Bien que provisoires et spéculatives, certaines de leurs conclusions peuvent servir dans le cadre d’un interrogatoire [30]. Comme nous l’indiquons dans la bibliographie, les chercheurs ont en effet déterminé que l’isolement crée habituellement de l’angoisse, que l’angoisse intensifie le désir de se trouver en compagnie de personnes partageant les mêmes peurs, et que les enfants uniques et ceux occupant la position d’aînés sont non seulement angoissés, mais montrent également moins de volonté ou de capacité à résister à la douleur. Une autre hypothèse de cette étude est applicable au cadre de l’interrogatoire : la peur augmenterait surtout les besoins d’affiliation chez les enfants uniques et les premiers-nés. Mais ces différences sont moins prononcées chez les personnes ayant grandi dans des familles nombreuses : les enfants uniques sont plus susceptibles de se replier sur eux-mêmes et d’entretenir leur angoisse que les premiers-nés, lesquels tentent souvent de se corriger. Concernant les autres points importants – l’intensité de l’angoisse et le besoin émotionnel de s’affilier –, aucune différence d’importance entre « premiers » et « uniques » n’a été mise au jour.
Déterminer la « position ordinale » du sujet avant de lui poser des questions peut donc se révéler utile pour l’interrogateur. Mais deux points incitent à la prudence. Ces conclusions ne sont pour l’instant que des hypothèses provisoires. Et même si elles se vérifient sur des panels plus importants, ces données – à l’image de celles compilées dans les tableaux d’espérance de vie – ne sauraient revêtir, une fois appliquées à des individus, une valeur prophétique.
VI. PROCÉDURE PRÉINTERROGATOIRE ET AUTRES PRÉLIMINAIRES
A. LA PROCÉDURE PRÉINTERROGATOIRE
xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x certaines stations importantes sont en mesure de conduire des examens psychologiques avant le début de l’interrogatoire, avec pour objectif de fournir à l’interrogateur une étude du type de personnalité et du caractère de la personne interrogée. À moins d’être à peu près certain que l’interrogatoire aura une importance limitée ou que la source coopère pleinement, il est recommandé de recourir à cette procédure dès que le personnel et l’équipement disponibles le permettent.
Cette procédure préinterrogatoire doit être menée par des intervieweurs, et non par des interrogateurs. Il convient aussi que les sujets ne soient pas préparés à l’interrogatoire par les employés de KUBARK qui les interrogeront plus tard.
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L’assistance d’un psychologue professionnel peut se révéler précieuse pour certains tests psychologiques. Des examens effectués en Corée sur des prisonniers de guerre américains libérés au cours des opérations Big Switch et Little Switchnote indiquent que les personnes qui affichent des réactions émotionnelles normales au test de Rorschachnote (et aux tests équivalents) se montreraient plus coopératives que celles apparaissant apathiques, repliées sur elles-mêmes et dénuées d’émotions. Les réponses des soldats ayant résisté coûte que coûte ont cependant les mêmes caractéristiques que celles de ceux ayant cédé ; elles diffèrent dans la nature et l’intensité de leur motivation, et non de leurs émotions. « Une analyse mêlant comptes rendus objectifs de tests et informations biographiques, menée sur un échantillon de 759 rapatriés de l’opération Big Switch, a révélé que les hommes ayant collaboré se distinguaient de ceux qui ne l’ont pas fait sur les points suivants : ils étaient plus vieux, avaient poussé plus loin leurs études, décrochaient de meilleurs résultats aux tests d’intelligence effectués après leur rapatriement, avaient servi plus longtemps dans l’armée avant d’être capturés et réalisaient de meilleurs scores sur l’échelle de déviance psychopathique. Cependant, les 5 % de non-collaborateurs qui, au sein de cet échantillon, ont résisté activement – ceux que les Chinois considéraient comme « réactionnaires » ou qui ont ensuite été décorés par l’armée – différaient des autres non-collaborateurs précisément sur les mêmes points que le groupe des collaborateurs. Ils ne pouvaient en fait être distingués de ces derniers par aucune variable, à l’exception de l’âge : les résistants étaient plus vieux que les collaborateurs » [33].
Une simple estimation préliminaire – si elle est bien menée – peut se révéler très utile à l’interrogateur : elle lui permettra en effet d’adapter sa tactique dès le début. Pour parfaite illustration, le Dr Moloney remarque que l’AVHnote avait réussi à faire craquer le cardinal Mindszentynote parce que les services hongrois avaient assorti leurs méthodes d’interrogatoire à sa personnalité. « Nul doute que la conviction de Mindszenty de s’assurer sécurité et puissance via la reddition devant la puissance suprême – son idée de Dieu – le prédisposait à coopérer avec le système de renseignement communiste. La capitulation de l’individu devant le système autoritaire lui semblait naturelle, tout autant que le principe même du martyre » [28].
La procédure préinterrogatoire posera moins de difficultés si le responsable s’intéresse à la source, et non aux informations qui pourraient être en sa possession. La plupart des gens – y compris des agents provocateurs entraînés à débiter à la chaîne de fausses informations – évoqueront avec une certaine liberté des événements remontant à leur enfance ou les relations avec leurs familles. Même l’agent provocateur qui s’inventerait un père fictif laissera échapper certains sentiments réels en détaillant ses relations avec son substitut imaginaire. Si la personne responsable de la procédure sait comment mettre à l’aise la source potentielle, comment progresser avec précaution en toutes circonstances, celle-ci ne se méfiera pas d’une conversation informelle sur sa personnalité.
La personne conduisant la procédure préinterrogatoire a pour objectif de pousser la source à parler d’elle. Une fois celle-ci lancée, l’intervieweur ne doit plus la stopper – par des questions, des gestes ou d’autres interruptions – tant qu’elle n’en aura pas dit assez pour qu’il soit possible de cerner globalement sa personnalité. Pour que le sujet bavarde librement, il faut que le comportement de l’intervieweur respire la sympathie et la patience. Son visage ne doit pas révéler un intérêt particulier pour un domaine donné ; il lui faut juste paraître sympathique et compréhensif. Beaucoup de personnes ayant commencé à parler d’elles en viendront rapidement à évoquer des expériences passées. S’il se contente d’écouter et de lâcher à l’occasion une remarque modérée et encourageante, l’intervieweur peut en apprendre beaucoup sur la source. Des questions de routine au sujet de professeurs, patrons ou dirigeants la conduiront par exemple à dévoiler des informations intéressantes sur ce qu’elle ressent envers ses parents et supérieurs, ainsi que – par association d’idées – sur d’autres points revêtant à ses yeux une importance émotionnelle.
L’interrogateur doit essayer de se mettre à la place du sujet. Plus il en saura sur sa région d’origine et sur son milieu culturel, moins il sera susceptible de le déranger par une interruption malvenue. Des remarques telles que « Ça a dû être une sale période pour vous et pour votre famille », « Oui, je vois bien ce qui vous mettait en colère » ou « Cela me semble passionnant » sont suffisamment anodines pour ne pas distraire la personne interrogée, tout en apportant les signes attendus d’une écoute bienveillante. Prendre position pour la source et contre ses ennemis sert le même objectif ; des commentaires sur le mode « C’était injuste, ils n’avaient pas le droit de vous traiter ainsi » faciliteront l’établissement de bonnes relations et l’encourageront à en dire plus.
Dès cette étape, il importe de repérer les anomalies les plus flagrantes. Les personnes souffrant de maladies mentales prononcées manifesteront de sévères délires, hallucinations et altérations des faits ; elles expliqueront aussi leur comportement de manière étrange. Afin d’éviter de gaspiller du temps et de l’argent, il convient de les congédier ou d’aborder au plus vite la question de leur maladie avec des spécialistes.
Le second objectif de cette procédure, proche du premier, est d’émettre un avis éclairé sur le comportement attendu de la source au cours de l’interrogatoire à venir. Estimer les probabilités que la personne interrogée se montre coopérative, ou au contraire récalcitrante, se révèle essentiel pour organiser l’interrogatoire : des méthodes très différentes seront utilisées dans l’un ou l’autre cas.
Dans les stations ou les bases qui ne peuvent mettre en place de procédures préinterrogatoires au sens strict, il convient de faire précéder tout interrogatoire important par une interview de la source. Conduite par une autre personne que l’interrogateur, celle-ci doit fournir un maximum d’informations et d’évaluations avant que l’interrogatoire ne commence.
À moins qu’un effet de choc apparaisse nécessaire, la transition entre l’interview préinterrogatoire et l’interrogatoire lui-même ne doit pas être abrupte. Lors de la première rencontre avec la personne interrogée, l’interrogateur a tout intérêt à passer un peu de temps à poursuivre ce dialogue modéré et bienveillant qui caractérisait l’interview. Même s’il connaît déjà les données issues de la procédure préinterrogatoire, il doit aussi appréhender le sujet dans ses propres termes. Et s’il se comporte immédiatement de manière agressive, il donne à la première session d’interrogation (et, dans une moindre mesure, aux sessions suivantes) un tour trop arbitraire. Ainsi que l’a remarqué un expert : « Celui qui agit sans tenir compte de la puissance disjonctive de l’angoisse dans les relations humaines n’apprendra jamais à mener un interrogatoire » [34].
B. LES AUTRES PROCÉDURES PRÉLIMINAIRES
xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
Les procédures préliminaires visant à préparer des sources appartenant à une autre catégorie sont généralement moins difficiles. Il suffit de respecter les principes suivants :
1. Toutes les informations pertinentes disponibles doivent être exhumées et étudiées avant le début de l’interrogatoire – et même avant qu’il ne soit planifié. Un gramme d’investigation peut être plus utile qu’un kilo de questions.
2. Il convient de faire aussi rapidement que possible la distinction entre les sources qui seront envoyées à xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x site organisé et équipé pour l’interrogatoire, et celles prises en charge par la base ou la station avec laquelle le contact a initialement été établi.
3. La procédure conseillée pour conduire l’estimation préliminaire d’un agent de type défecteur reste la même xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
Les points clés sont répétés ici par souci de commodité. Ces tests préliminaires ont pour objectif de compléter l’examen technique des documents du défecteur, le questionnaire substantiel sur le pays dont il dit être originaire et sur sa profession, ainsi que les autres investigations classiques. Si elles sont posées, les questions suivantes doivent l’être aussi vite que possible, immédiatement après le premier contact, alors que le défecteur est encore stressé et avant qu’il ne se soit fait à sa nouvelle routine :
a) le défecteur peut être sommé d’identifier tous ses amis et connaissances vivant dans les environs – voire dans l’ensemble du pays où il a fait défection pour se placer sous l’autorité de PBPRIME. Toutes les pistes doivent être explorées au plus vite. Les agents provocateurs sont parfois chargés de « retourner leur veste » dans leur zone cible, et leurs amis et connaissances déjà sur place peuvent se révéler être des éléments ennemis ;
b) lors de la première session de questions, l’intervieweur doit être à l’affût des formulations ou concepts caractéristiques d’une activité de renseignement ou d’une appartenance au Parti communiste. Il lui appartient de consigner de tels indices dès lors qu’un interrogatoire en bonne et due forme est prévu ;
c) il faut utiliser les techniques LCFLUTTER dès que possible. Si ce n’est pas le cas, le défecteur est informé qu’il subira ces tests à une date ultérieure. Les refus doivent être consignés, de même que toute indication montrant que le sujet a été briefé sur ces techniques par un autre service. Il convient de noter la manière dont il réagit à la proposition autant que sa réponse elle-même ;
d) si les techniques LCFLUTTER, la procédure préinterrogatoire, l’investigation ou toute autre méthode établissent que le sujet a une expérience dans le domaine du renseignement, il faut obtenir les informations basiques listées ci-dessous :
xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx [7].
xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
h) xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
4. xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
5. Tout document susceptible de peser dans l’interrogatoire à venir mérite d’être analysé. Ceux issus de pays du bloc soviétique ou qui semblent – d’une manière ou d’une autre – inhabituels ou étranges sont généralement envoyés à des spécialistes ou à des membres du Quartier général pour analyse technique.
6. S’il apparaît au cours de la procédure préinterrogatoire, ou lors de toute autre phase préliminaire, que la source a déjà été interrogée, l’interrogateur doit en être informé. Les agents sont par exemple habitués à être questionnés de manière répétitive et professionnelle, de même que les individus ayant été arrêtés plusieurs fois. Les personnes accoutumées à être interrogées se montrent très sophistiquées dans leur pratique et repèrent facilement les doutes, les pièges évidents et autres faiblesses.
C. RÉSUMÉ
La procédure préinterrogatoire et les autres préliminaires aident l’interrogateur – ainsi que sa base et sa station xxxxx xxxxx – à déterminer si la source éventuelle est susceptible : 1) de détenir des éléments utiles au contre-renseignement en raison de son association avec un service étranger ou avec le Parti communiste ; 2) de coopérer, de manière volontaire ou involontaire. Muni de ces estimations ainsi que des indices – quels qu’ils soient – fournis par la procédure préinterrogatoire sur la personnalité du sujet, l’interrogateur est prêt à s’organiser.
IX. L’INTERROGATOIRE COERCITIF DE CONTRE-RENSEIGNEMENT AVEC DES SOURCES RÉSISTANTES
A. RESTRICTIONS
L’objectif de cette section du manuel est de fournir une information de base sur les techniques coercitives susceptibles d’être utilisées en situation d’interrogatoire. Cette présentation ne doit surtout pas être interprétée comme valant autorisation d’user à discrétion de la coercition. Ainsi que mentionné précédemment, il ne s’agit aucunement d’un blanc-seing.
xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
Pour des raisons éthiques et pratiques, un interrogateur ne devrait jamais assumer seul la responsabilité de l’usage de méthodes coercitives. Le fait que l’interrogateur dissimule à ses supérieurs son intention de recourir à la coercition, ou l’utilisation non autorisée de celle-ci, ne les protège nullement. Au contraire, cela les place, de même que KUBARK, dans une situation délicate.
B. LA THÉORIE DE LA COERCITION
Les procédures coercitives ne se contentent pas d’exploiter les conflits intérieurs d’une source résistant à l’interrogatoire en la plongeant dans un profond trouble intérieur, elles lui imposent également une force externe supérieure qui influe sur sa capacité de résistance. Alors qu’une méthode non coercitive échouera si le choix de l’utiliser et l’usage qui en est fait ne sont pas fondés sur une évaluation psychologique exacte, une même méthode coercitive peut fonctionner sur des personnes très différentes – les chances de succès augmentent cependant fortement quand la technique est adaptée à la personnalité de la source. Même les drogues, des stimuli en apparence non discriminants, provoquent des réactions différentes selon les individus. Quoi qu’il en soit, appliquer de manière brouillonne une forte pression quand une simple tape psychologique assénée au bon endroit suffirait à déclencher la collaboration de la source revient à gâcher du temps et de l’énergie.
Toutes les techniques coercitives ont pour objectif de provoquer une régression. Ainsi que Hinkle le mentionne dans son article « The physiological state of the interrogation subject as it affects brain fonction » (« L’état physiologique du sujet de l’interrogatoire et l’altération de ses fonctions cérébrales ») [7], une pression externe suffisamment intense entraîne la perte des aptitudes les plus récemment développées par l’homme civilisé. Soit « la capacité à perpétuer des activités hautement créatives, à affronter des situations nouvelles, stimulantes et complexes, à gérer des relations interpersonnelles conflictuelles et à supporter des frustrations répétées. Un niveau relativement limité de désordre homéostatiquenote, de fatigue, de souffrance, de manque de sommeil ou d’anxiété peut affaiblir ces fonctions ». Par conséquent, « la plupart des personnes soumises à des méthodes coercitives parleront, révélant en général des informations qu’elles n’auraient autrement pas divulguées ».
Le sentiment de culpabilité est l’une des réactions subjectives les plus fréquemment provoquées par la coercition. Meltzer remarque : « Lors de longues sessions, l’interrogateur peut revêtir dans l’esprit du prisonnier une importance particulière – lui conférant une stature presque parentale – parce qu’il est l’unique pourvoyeur de récompenses et de punitions. Le captif est souvent enclin à nourrir une puissante haine à son encontre, mais il n’est pas rare qu’il développe aussi des sentiments plus chaleureux. Cette ambivalence se trouve à l’origine du sentiment de culpabilité ; si l’interrogateur sait l’entretenir, celui-ci peut se révéler assez intense pour influer sur le comportement du prisonnier […]. La sensation de culpabilité rend la soumission plus probable […] » [7].
Farber prétend qu’une réaction typique à la coercition comprend « au moins trois éléments importants : la débilité physique, la dépendance et la détresse ». Les prisonniers « perdent leur autonomie ; ils sont désespérément dépendants de leurs geôliers pour satisfaire leurs besoins les plus basiques et se trouvent en proie à de profonds sentiments de peur et d’anxiété – dans leurs émotions primaires comme dans leur appréciation de la situation […]. Chez les prisonniers de guerre [américains] que les communistes chinois ont soumis à une forte pression, le syndrome DDDnote provoquait, sous sa forme la plus développée, un sentiment de mal-être pratiquement intolérable » [11]. Mais, si cet état de débilité physique, de dépendance et de détresse se prolonge outre mesure, la personne détenue peut sombrer dans une forme d’apathie défensive difficile à contrecarrer.
Les psychologues et les autres spécialistes travaillant sur la contrainte physique ou psychologique nuancent fréquemment ce constat : si la plupart des sujets cèdent une fois qu’ils sont soumis à une pression suffisante, leur capacité à se souvenir et à communiquer des informations décline autant que leur volonté de résistance. Cette objection pragmatique a, à peu de chose près, la même validité pour l’interrogatoire de contre-renseignement que pour n’importe quel autre. Mais il existe une différence significative : l’aveu est un préalable nécessaire à l’interrogatoire de contre-renseignement d’une source jusqu’alors peu réceptive ou dissimulant des informations. Et l’usage de techniques coercitives troublera rarement – voire jamais – la personne interrogée à un degré tel qu’elle ne sache plus si ses propres aveux sont véridiques ou mensongers. Elle n’a pas besoin de l’entière maîtrise de ses capacités de résistance et de discernement pour savoir si elle est ou non un espion. Seuls les sujets ayant atteint le point à partir duquel tout n’est qu’illusion sont susceptibles de faire des confessions mensongères auxquelles ils croient.
Une fois que de vrais aveux ont été obtenus, il convient de suivre la procédure classique. La pression doit être relâchée, au moins suffisamment pour que le sujet puisse fournir des informations de contre-renseignement aussi précises que possible. Le soulagement alors ressenti cadre parfaitement avec le schéma de l’interrogatoire : la source perçoit ce changement de comportement comme une récompense pour la véracité de ses informations et comme la preuve que ce traitement amical continuera aussi longtemps qu’elle coopérera.
Nous avons mentionné la lourde objection morale opposable à l’application d’une contrainte si intense qu’elle causerait d’irréversibles dommages psychologiques. Juger de la validité des autres arguments éthiques portant sur la coercition excède le champ de ce manuel. Il convient cependant de souligner un point : si la manipulation coercitive d’une personne interrogée altère sa capacité à effectuer des distinctions subtiles, elle ne l’empêchera en revanche pas de répondre correctement à des questions aussi simples que : « Es-tu un agent soviétique ? Quelle est ta mission actuelle ? Qui est ton officier traitant en ce moment ? »
Quand l’interrogateur sent vaciller la résistance du sujet, son désir d’abdiquer prenant le pas sur son envie de résister, c’est qu’il est temps de lui fournir une justification satisfaisante – une raison permettant de sauver la face et d’excuser sa soumission. Les interrogateurs débutants ressentiront parfois le désir de sauter triomphalement sur cette défaite initiale et de célébrer leur victoire. Une telle tentation doit être écartée immédiatement. Un interrogatoire n’est pas une compétition entre deux personnes, avec un gagnant et un perdant, mais simplement une méthode pour obtenir une information exacte et utile. L’interrogateur doit donc encourager le sujet à cesser l’affrontement en lui indiquant comment le faire sans paraître renier ses principes, son souci de protection personnelle ou tout autre fondement à sa résistance. L’opposition de la source repartira en effet de plus belle si l’interrogateur célèbre ostensiblement sa défaite au lieu de lui suggérer la bonne justification au moment idoine.
Les principales techniques coercitives d’interrogatoire sont les suivantes : arrestation, détention, privation sensorielle via le maintien à l’isolement ou une méthode similaire, menaces et peur, faiblesse physique, souffrance, hypersuggestibilité et hypnose, narcotiques, et induction de la régression. Cette section traite aussi des moyens de détecter la simulation chez les personnes interrogées et de leur fournir des raisons appropriées de capituler et de coopérer.
C. L’ARRESTATION
Les conditions et le timing de l’arrestation peuvent largement servir les objectifs de l’interrogateur. « Il s’agit de faire en sorte que l’arrestation génère la surprise et la plus grande confusion mentale, afin de prendre le suspect au dépourvu et de le priver de toute initiative. L’arrestation doit donc se dérouler quand le sujet s’y attend le moins et quand sa résistance mentale et physique est au plus bas. Le moment idéal se situe dans les premières heures de la matinée, parce que la surprise est alors garantie et que la résistance – physiologique aussi bien que psychologique – d’une personne est réduite à son minimum […]. Si quelqu’un ne peut être arrêté au petit matin […], optez pour la soirée […]. »
xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx [1].
D. LA DÉTENTION
Si des dispositions sont prises pour la détention d’une source résistante – que cette opération s’effectue en collaboration avec un service de liaison ou de manière unilatérale –, il convient d’aménager les conditions de cette captivité. Celle-ci doit en effet accroître chez le sujet le sentiment d’être coupé de ce qu’il connaît et de ce qui le rassure, pour le plonger dans l’inconnu. En général, on lui confisque immédiatement ses vêtements, parce que le port d’habits familiers renforce l’affirmation d’une identité et – par conséquent – la capacité de résistance (c’est pour cette même raison que les prisons tondent les détenus et distribuent des uniformes carcéraux). Si la personne interrogée est particulièrement élégante ou soignée, il peut se révéler utile de lui donner une tenue trop grande d’une ou deux tailles tout en négligeant de lui fournir une ceinture : elle sera ainsi forcée de maintenir son pantalon en place.
Un individu sauvegardera le sentiment de son identité s’il peut s’appuyer sur une continuité dans son environnement, ses habitudes, son apparence, ses actions, ses relations avec les autres, etc. La détention permet ainsi à l’interrogateur de couper ces liens et de contraindre la personne interrogée à ne compter que sur ses propres ressources, sans aucune aide extérieure.
Pour être efficace, la détention ne doit pas remplacer une routine par une autre. Les prisonniers qui mènent des existences bien réglées et monotones « cessent de faire attention à leurs paroles, tenue et propreté. Ils deviennent maussades, apathiques et déprimés » [7]. Or l’apathie est susceptible de constituer une défense très efficace contre l’interrogatoire. Puisqu’il contrôle l’environnement de la source, l’interrogateur peut déterminer son alimentation, son rythme de sommeil et d’autres paramètres fondamentaux. Il a donc tout intérêt à manipuler ces éléments sans logique apparente, de manière à désorienter le sujet et à susciter un sentiment de peur et d’impuissance. Hinkle remarque que « les gens qui entrent en prison animés d’idées noires, d’appréhension et de sentiments d’impuissance s’en tirent généralement moins bien que ceux débarquant avec assurance et la conviction qu’ils peuvent s’arranger de tout ce qu’ils rencontreront […]. Certaines personnes effrayées à l’idée du manque de sommeil, ou qui ne souhaitent pas dormir moins, souffrent ainsi rapidement d’insomnie […] » [7].
Pour résumer : il faut éviter de fournir au prisonnier une routine à laquelle il pourrait s’adapter et qui lui offrirait une forme de confort – ou au moins lui permettrait de préserver ses repères identitaires. L’exemple de ces prisonniers réticents à quitter leur cellule après une incarcération prolongée est suffisamment connu. Au fil de la détention, les sentiments éprouvés par le détenu – anxiété, profond besoin de stimulation sensorielle et de compagnie humaine – laissent place à une passive acceptation de l’isolement ainsi qu’au soulagement ressenti à lâcher prise. Cette évolution se fait jour après une période d’isolement plus ou moins longue, qui n’est pas précisément établie ; cela dépend largement des caractéristiques psychologiques de l’individu en question. Il est de toute façon recommandé de maintenir le sujet dans un constant état d’irritation par le biais d’incessantes perturbations.
Dans cette optique, il se révélera utile de déterminer si la personne interrogée a déjà été emprisonnée, combien de fois, dans quelles circonstances et pour quelle durée, et si elle a déjà été soumise à un interrogatoire. L’habitude de la détention et de l’isolement en réduit les effets.
E. LA PRIVATION SENSORIELLE
L’arrestation et la détention ont pour principal effet – surtout en cas de maintien à l’isolement – de priver en partie ou très largement le sujet de l’usage habituel de ses sens : vue, sons, goût, odeurs et sensations tactiles. Jon C. Lilly a analysé dix-huit récits rédigés par des explorateurs polaires et des navigateurs solitaires. Il a ainsi constaté que, « en soi, l’isolement agit sur la plupart des gens à la manière d’un stress puissant […]. Tous ceux qui ont survécu à la solitude en mer ou dans la nuit polaire relatent avoir ressenti les peurs les plus intenses lorsqu’ils y ont été confrontés pour la première fois. Avoir déjà vécu cette sensation aide fortement à tenir bon ». « Les symptômes récurrents en situation d’isolement sont la superstition, un amour profond pour tout être vivant, l’impression que les objets inanimés sont vivants ainsi que des hallucinations et illusions » [26].
La cause de ces symptômes ? Une personne coupée de tout stimulus extérieur se replie sur son univers intérieur et projette le contenu de son inconscient sur l’extérieur, de manière à doter cet environnement anonyme de ses propres attributs, peurs et souvenirs oubliés. Lilly constate : « Il est évident que l’esprit tend à se projeter sur l’extérieur. Une part de l’activité mentale, d’ordinaire liée à la réalité, se tourne vers la fantaisie et – en fin de compte – vers les hallucinations et les délires. »
Un certain nombre d’expériences, menées notamment à l’université McGill et à l’Institut national de la santé mentale, ont visé à supprimer au maximum les stimulations sensorielles. Celles qui ne pouvaient être éliminées, principalement des sons, étaient parfois masquées par une bruyante et monotone nappe sonore. Les résultats de ces expériences ont peu d’utilité pratique pour les interrogatoires, parce qu’elles ont été menées dans des circonstances bien particulières. Certaines conclusions dessinent des hypothèses apparemment pertinentes, mais les conditions de détention propres aux interrogatoires de contre-renseignement n’ont pas été reproduites.
À l’Institut national de la santé mentale, deux sujets ont été « suspendus et immergés intégralement, à l’exception de la partie supérieure de la tête, dans une citerne contenant de l’eau ruisselant doucement, à une température de 34,5 ºC… ». Ils portaient des masques opaques leur enserrant totalement la tête et ne leur permettant que de respirer. Le niveau sonore était extrêmement bas ; ils n’entendaient que leur propre respiration et le très faible bruit de l’eau coulant dans les canalisations. Aucun des deux sujets n’est resté plus de trois heures dans la citerne. Le pressant besoin de stimuli sensoriels et l’obsession pour les rares sensations perceptibles ont rapidement provoqué une forte tension mentale. Ils ont ensuite développé des rêveries personnelles, des fantasmes et, au final, un imaginaire visuel proche de l’hallucination. « Une fois l’expérience terminée, le sujet semble commencer une nouvelle journée : il a l’impression de sortir du lit et se sent en décalage horaire pour le reste de la journée. »
Les docteurs Wexler, Mendelson, Leiderman et Solomon ont conduit une expérience similaire sur dix-sept volontaires rémunérés. Les sujets étaient « placés dans une sorte de citerne, sous respirateur, et ils reposaient sur un matelas conçu pour l’occasion […]. Le conduit du respirateur était laissé ouvert, de manière qu’ils gardent le contrôle de leur respiration. Leurs bras et leurs jambes étaient enserrés dans de confortables (mais rigides) cylindres, afin d’empêcher tout mouvement et tout contact tactile. Couchés sur le dos, les sujets ne pouvaient discerner aucune partie de leur corps. Le moteur du respirateur tournait sans arrêt, émettant un son monotone et répétitif. Nulle lumière du jour dans la pièce, et un éclairage artificiel constant et minimum » [42]. Les volontaires ne pouvaient rester dans la citerne plus de trente-six heures et tous leurs besoins physiques étaient pris en charge ; ils n’ont pourtant été que six à tenir jusqu’au bout. Les onze autres ont rapidement demandé à être libérés : quatre ont mis fin à l’expérience à cause d’accès d’anxiété et de panique, sept en raison de l’inconfort physique. Les résultats ont confirmé les conclusions dressées précédemment. À savoir : 1) la privation sensorielle provoque du stress ; 2) ce stress devient vite insupportable pour la plupart des sujets ; 3) ils ressentent un besoin croissant de stimuli physiques et sociaux ; 4) certains sujets perdent progressivement le sens des réalités, se focalisent sur leurs pensées et développent des délires, des hallucinations et d’autres troubles pathologiques.
Rendant compte de quelques études scientifiques ayant porté sur la privation sensorielle et perceptuelle, Kubzansky émet les observations suivantes : « Trois études suggèrent que plus le sujet est équilibré ou “normal”, plus il est affecté par la privation sensorielle. Les sujets névrosés et psychotiques y sont comparativement peu sensibles, ou bien éprouvent anxiété, hallucinations, etc. avec une intensité réduite » [7].
Ces conclusions semblent valider – sans aucunement les prouver – les théories suivantes sur le maintien en isolement et le confinement.
1. Plus le lieu du confinement est dénué de stimuli sensoriels, plus la personne interrogée en sera rapidement et profondément affectée. Les résultats obtenus après des semaines ou des mois de détention dans une cellule ordinaire peuvent l’être après des heures ou des jours s’il s’agit d’une cellule sans lumière (ou pourvue d’un faible et constant éclairage artificiel), plongée dans un complet silence, inodore, etc. Un environnement totalement sous contrôle – comme une citerne d’eau ou un poumon d’aciernote – produira des résultats encore meilleurs.
2. Un tel environnement provoque rapidement l’anxiété. La rapidité avec laquelle elle se manifeste et son intensité dépendent des caractéristiques psychologiques de chaque individu.
3. L’interrogateur peut tirer profit de l’anxiété du sujet. L’esprit de ce dernier étant amené à faire le lien entre sa présence et une forme de récompense le soulageant d’un inconfort croissant – diminution de l’angoisse, contact humain et activité constructive –, l’interrogateur s’en trouve nimbé de bienveillance [7].
4. La privation sensorielle provoque la régression du sujet en coupant son esprit de tout contact avec le monde extérieur et en le forçant à se replier sur lui-même. L’interrogateur lui apparaît dans le même temps comme une figure paternelle, parce qu’il est le seul à lui administrer des stimuli Cela a normalement pour conséquence de le rendre plus conciliant.
F. MENACES ET PEUR
La plupart du temps, menacer de recourir à la coercition affaiblira – ou brisera – davantage une éventuelle résistance que la coercition elle-même. Le sujet se montrera par exemple plus effrayé par la menace de sévices physiques que par l’immédiate sensation de la souffrance. La plupart des gens sous-estiment en effet leur capacité à résister à la douleur. Il en va de même pour les autres peurs. Entretenue suffisamment longtemps, une frayeur portant sur un élément vague ou inconnu du sujet induit la régression. Sa matérialisation – le fait d’infliger une certaine forme de punition – peut au contraire être ressentie comme un soulagement. Le sujet se rend alors compte qu’il peut tenir bon et sa résistance s’en trouve renforcée. « La brutalité physique directe ne provoque généralement que le ressentiment, l’hostilité et une envie croissante de relever le défi » [18].
L’efficacité d’une menace ne dépend pas seulement de la personnalité de la source et de sa propension à croire que l’interrogateur peut et va la mettre à exécution, mais aussi des raisons que ce dernier a de la proférer. S’il le fait parce qu’il est en colère, le sujet comprendra fréquemment qu’il a peur de l’échec : sa volonté de résister n’en sera que plus forte. Les menaces énoncées froidement sont ainsi plus efficaces que celles hurlées avec fureur. En outre, il est essentiel qu’elles ne soient pas proférées en réponse aux propres manifestations d’hostilité de la personne interrogée. Si elles sont ignorées, ces dernières peuvent provoquer un sentiment de culpabilité ; en revanche, rétorquer sur le même ton ne fera que conforter le sujet dans son jugement.
Parce qu’elles offrent à la personne interrogée un moment de répit que celle-ci peut mettre à profit pour se soumettre, les menaces suscitent parfois une soumission que des moyens de contrainte plus sévères ne parviennent pas à obtenir. Placer la source sous une tension continuelle engendrée par une peur de tous les instants ne suffit pas ; il faut également qu’elle discerne une ligne de fuite acceptable. Biderman remarque que « la culpabilité ou la honte de l’échec ne sont pas les seuls éléments interférant dans l’affrontement avec l’interrogateur ; la source peut aussi éprouver la nécessité profonde de protéger son sentiment d’autonomie ou sa “volonté” […]. Pour une personne menacée dans son intégrité et qui pressent qu’elle sera tôt ou tard obligée de capituler, la protection la plus évidente consiste à se soumettre de manière “délibérée” ou “volontaire” […]. D’où cette déduction : plus [la source interrogée] est déterminée à résister, plus la pression la poussant à céder rapidement s’intensifie, et plus le péril que la source sent peser sur son intégrité morale à l’idée d’être “forcée à plier” s’accroît aussi […] » [6]. Pour résumer, la menace fonctionne comme les autres techniques coercitives : elle est plus efficace si elle est utilisée de manière à encourager la régression et quand elle s’accompagne de la suggestion d’une échappatoire, d’une justification acceptable aux yeux de la personne interrogée.
La menace de mort se révèle souvent inutile, voire pire. Elle « a beau se situer tout en haut de l’arsenal législatif, elle apparaît largement inefficace dans de nombreuses situations d’interrogatoire. En fait, beaucoup de prisonniers ont refusé de se soumettre une fois en butte à de telles menaces, qui n’ont pas été mises à exécution par la suite » [3]. La principale raison tient à ce que celles-ci peuvent provoquer la perte de tout espoir si elles sont prises au sérieux : la personne interrogée se pense alors condamnée de toute façon, qu’elle capitule ou non. Menacer de mort des personnes rationnelles se révèle tout aussi inefficace, parce qu’elles savent que les réduire définitivement au silence constituerait une défaite pour l’interrogateur. Si le bluff est percé à jour, les conséquences dépasseront ce simple échec : les ruses coercitives dont l’interrogateur usera par la suite risquent en effet de ne plus fonctionner.
G. LA DÉBILITÉ PHYSIQUE
Impossible de mettre la main sur les résultats d’une quelconque enquête scientifique analysant les effets de la débilité physique sur la capacité de résistance d’une personne interrogée. Depuis des siècles, les interrogateurs ont pourtant employé diverses méthodes pour provoquer cette faiblesse : contrainte prolongée ; effort prolongé ; chaleur, froid ou humidité extrême ; privation ou réduction drastique de nourriture ou de sommeil. Ils estimaient apparemment qu’attaquer la résistance physiologique de la source permettait de diminuer sa capacité psychologique à résister. Si ce postulat était valable, les sujets les plus affaiblis lorsque commence un interrogatoire devraient logiquement capituler les premiers ; l’hypothèse n’est pas confirmée par les faits. Les éléments disponibles indiquent que la résistance est surtout mise à mal par les pressions psychologiques, et non physiques. La crainte ressentie à l’idée d’une dégradation physique – après une brève privation de nourriture, par exemple – peut susciter beaucoup plus d’angoisse qu’une faim prolongée, laquelle finira par plonger la source dans un état apathique et provoquera parfois des délires et des hallucinations. En résumé, il semble que les techniques servant à causer un état de faiblesse se révèlent, passée une première phase, contre-productives. La gêne, la tension et la recherche désespérée d’une échappatoire sont vite suivies de symptômes de manque, d’un désintérêt pour n’importe quelle stimulation externe et d’un manque léthargique de réactivité.
Autre inconvénient au fait d’induire un état de débilité physique : l’effort prolongé, le manque de sommeil, etc. prenant un caractère répétitif, le sujet y répond systématiquement par l’apathie. L’interrogateur devrait user de son influence sur l’environnement physique d’une source résistante pour bouleverser la trame de ses réponses, et non pour la renforcer. Le fait de fournir sommeil et aliments de manière irrégulière – parfois en abondance, parfois de façon insuffisante – et de bouleverser ses repères temporels sans que la personne interrogée puisse y discerner un schéma d’ensemble la désorientera et sapera davantage sa volonté de résister qu’une privation soutenue la plongeant dans un état de faiblesse.
H. LA DOULEUR
Tout le monde sait que les gens ne réagissent pas de la même façon à la douleur. Les différences physiologiques n’expliquent apparemment pas ces ressentis singuliers. Lawrence E. Hinkle observe que « la perception de la douleur semble être plus ou moins la même pour chaque individu, c’est-à-dire que les gens ressentent peu ou prou la douleur à partir du même seuil et l’évaluent de manière similaire si des stimuli identiques leur sont appliqués […]. Il est même établi que, pour peu qu’un individu soit extrêmement motivé […], la douleur la plus intense ne l’empêche aucunement d’exécuter des tâches plutôt complexes ». Hinkle affirme aussi que « quel que soit le rôle des attributs physiques dans le ressenti de la douleur, ils se révèlent généralement beaucoup moins importants que l’attitude de l’homme l’éprouvant » [7].
La large gamme des réactions individuelles à la douleur s’explique en partie par la différence des conditionnements individuels précoces en la matière. Une personne ayant déjà affronté par le passé des douleurs intenses et terrifiantes peut se trouver – si on lui en inflige à nouveau – plus violemment affectée qu’une autre n’en ayant jamais enduré. L’inverse peut aussi être vrai : un homme habitué depuis l’enfance à la souffrance peut moins la craindre, et se trouver moins démuni face à elle, qu’un autre terrifié par la peur de l’inconnu. Le facteur individuel reste déterminant.
Certains suggèrent – cela semble plausible – qu’une douleur infligée de l’extérieur peut concentrer ou renforcer la volonté de résister, alors qu’une souffrance en apparence auto-infligée la saperait. « Dans la situation de torture simple, la confrontation se passe clairement entre l’individu et son persécuteur ([…] sachant que le premier parvient souvent à ne pas céder). Mais, lorsque la personne est sommée de rester debout pendant de longues heures, cela introduit un nouveau facteur causal. La source immédiate de la douleur n’est pas l’interrogateur, mais la victime elle-même. Sa résistance risque donc de flancher à mesure que se développe le combat intérieur découlant de cette situation […]. Aussi longtemps que le sujet reste debout, il attribue à son tourmenteur le pouvoir de lui faire subir quelque chose de pire ; alors qu’il n’y a pourtant aucune démonstration de la part de l’interrogateur de sa capacité à le faire » [4].
Les personnes dissimulant des informations mais qui sont en proie aux affres de la culpabilité et à un secret désir de capituler peuvent se fermer à toute coopération si on les fait souffrir. Elles risquent en effet d’interpréter la douleur comme une punition, et donc comme un moyen d’expier. Il existe également des individus qui jouissent de la douleur et de son anticipation. Ceux-ci garderont par-devers eux des informations qu’ils auraient autrement divulguées pour peu qu’ils s’imaginent provoquer ainsi la punition dont ils rêvent. Enfin, les personnes d’une haute stature morale ou intellectuelle trouvent souvent dans la douleur infligée par d’autres une confirmation de l’idée qu’ils se trouvent aux mains d’êtres inférieurs. Leur résolution de ne pas céder s’en trouve accrue.
La douleur extrême est à peu près assurée de produire de fausses confessions, forgées comme moyens d’échapper à la situation de détresse. D’où une perte de temps importante : une enquête s’impose pour vérifier la véracité de ces aveux. Pendant ce répit, la personne interrogée a la possibilité se ressaisir. Il se peut qu’elle mette cette pause à profit pour concocter de nouveaux « aveux », plus complexes, et encore plus longs à réfuter. KUBARK est particulièrement vulnérable à de telles tactiques, parce que l’interrogatoire n’a pas pour objectif le travail de police, mais la recherche d’informations.
Si la souffrance est infligée alors que l’interrogatoire est entamé depuis longtemps et que les autres tactiques ont échoué, la source a toutes les chances d’y voir un signe d’impuissance de l’interrogateur. Elle peut alors estimer qu’il lui suffit de résister à l’assaut final pour remporter à la fois la lutte et sa liberté. Elle aura probablement raison. Les personnes qui ont tenu bon face à la souffrance résistent plus facilement aux autres méthodes. Ici, la douleur n’aura pas mis le sujet au pas, mais aura plutôt rétabli sa confiance et son équilibre mental.
I. HYPERSUGGESTIBILITÉ ET HYPNOSE
Ces dernières années, un certain nombre d’hypothèses sur l’hypnose ont été avancées et posées comme des faits scientifiques, notamment par des psychologues. Parmi celles-ci, on trouve ces assertions catégoriques : il n’est pas possible d’hypnotiser quelqu’un contre sa volonté ; on ne peut obliger une personne sous hypnose à révéler des informations qu’elle souhaite impérativement dissimuler ; l’état de transe et les suggestions posthypnotiques ne sauraient contraindre un individu à adopter des comportements envers lesquels il éprouverait normalement de fortes réticences éthiques ou morales. Si ces affirmations – et d’autres similaires – étaient avérées, l’hypnose n’aurait aucun intérêt pour l’interrogateur.
Mais l’hypnose a beau être depuis longtemps l’objet d’études scientifiques, la pratique n’a pour l’instant confirmé aucune de ces théories, qui ne cadrent pas avec la simple observation des faits. Quoi qu’il en soit, il n’appartient pas à un manuel d’interrogatoire de relayer longuement le débat sur l’hypnose ; ce n’est d’ailleurs nullement nécessaire. L’officier responsable ou l’interrogateur a juste besoin de maîtriser suffisamment le sujet pour comprendre dans quelles circonstances celle-ci peut se révéler un outil utile, afin qu’il en appelle à l’assistance d’un expert au moment idoine.
Si un membre du personnel opérationnel (cela inclut les interrogateurs) n’a aucune expérience ou aptitude en la matière, il ne doit pas user de techniques hypnotiques lors des interrogatoires ou sur le terrain. Et cela pour deux raisons. La première tient à ce que l’usage opérationnel de l’hypnose par quelqu’un n’étant ni psychologue, ni psychiatre, ni docteur en médecine peut causer des dommages psychologiques irréversibles. Le pratiquant profane n’en sait pas assez pour utiliser cette technique en toute sécurité. Et la deuxième raison ? Elle est simple : une tentative infructueuse pour hypnotiser un sujet dans le cadre d’un interrogatoire peut facilement déboucher sur une désastreuse et retentissante publicité médiatique ou sur une incrimination légale. Il en ira de même de toute tentative fructueuse, mais insuffisamment couverte par l’amnésie posthypnotique ou par d’autres procédés du même type.
L’hypnose est fréquemment nommée « état d’hypersuggestibilité », mais ce terme correspond davantage à une description qu’à une définition. Merton M. Gill et Margaret Brenman affirment que « la théorie psychanalytique de l’hypnose implique clairement qu’elle est une forme de régression, même si ce n’est pas expressément indiqué ». Et ils ajoutent que « l’induction [de l’hypnose] désigne le processus provoquant la régression, tandis que l’état hypnotique correspond à la régression elle-même » [13]. À l’interrogateur de retenir la définition qui lui sera la plus utile. Surmonter la résistance d’une personne interrogée se refusant à coopérer revient essentiellement à provoquer une régression suffisante pour mettre fin à cette opposition. L’hypnose est justement un moyen d’entraîner une régression.
Martin T. Orne a beaucoup écrit sur l’hypnose et l’interrogatoire. La plupart de ses conclusions sont prudemment négatives. Concernant le rôle joué par la volonté ou par le comportement de la personne interrogée, Orne affirme : « En l’absence d’expérience déterminante, notons que personne n’a prouvé que la transe peut être induite contre la volonté de quelqu’un. » Il précise que « l’apparition d’un véritable état de transe est conditionnée par le désir du sujet d’accepter l’hypnose ». Et il ajoute : « Le fait qu’un sujet entre ou non en transe dépend davantage de ses relations avec l’hypnotiseur que de la procédure technique utilisée. » Ces points de vue sont probablement partagés par de nombreux psychologues, mais ils ne sont en rien définitifs. Comme Orne le remarque lui-même un peu plus loin, « il est possible de donner [à la personne interrogée] une drogue hypnotique en l’encourageant à parler d’un sujet donné. Il lui est ensuite administré une dose suffisante pour causer une brève période d’inconscience. Quand elle se réveille, l’interrogateur peut feindre d’interpréter, grâce aux “notes” censément prises pendant l’interview conduite sous hypnose, les informations qui auraient été révélées » (comme Ornes l’a précédemment mentionné, cette technique implique que l’interrogateur possède, à l’insu du sujet, des informations significatives sur son compte). « Cette manœuvre […] facilitera évidemment l’extraction d’informations lors des sessions suivantes » [7]. Les techniques visant à induire un état de transe chez un sujet résistant grâce à l’administration préalable de drogues dites silencieuses (soit des stupéfiants que la personne interrogée absorbe sans le savoir), ou grâce à d’autres méthodes peu conventionnelles d’induction hypnotique, sont encore à l’étude. En l’état, la question de savoir dans quelle mesure une source récalcitrante peut être hypnotisée contre sa volonté demeure sans réponse.
Orne prétend également que le fait de réussir à hypnotiser un sujet récalcitrant ne mettra pas pour autant fin à sa résistance. Il pose comme postulat que « rares sont les interrogatoires lors desquels il sera possible de provoquer un état de transe assez profond pour pousser le sujet à aborder des points qu’il se refuserait à évoquer s’il était conscient. Le genre d’information pouvant être obtenu en de telles occasions n’a pas encore été déterminé ». Il ajoute qu’il lui paraît malaisé de faire révéler à un sujet en transe une information qu’il souhaite taire. Mais, là encore, Orne semble se montrer trop prudent ou pessimiste. En pratique, une fois que la personne interrogée se trouve dans un état de transe hypnotique, sa compréhension de la réalité est susceptible d’être manipulée. Un interrogateur de KUBARK peut par exemple affirmer à un homme suspect de double jeu que le KGB conduit la séance de questions, et ainsi inverser totalement son cadre de référence. En d’autres termes, Orne a probablement raison de prétendre qu’une source particulièrement résistante se dérobera tant que son cadre de référence restera inchangé. Mais, une fois le sujet manipulé de manière à lui faire croire qu’il parle à un ami plutôt qu’à un adversaire, ou que dire la vérité est le meilleur moyen de servir ses propres objectifs, la résistance laissera place à la collaboration. L’intérêt de la transe hypnotique n’est pas de permettre à l’interrogateur d’imposer sa volonté, mais plutôt de convaincre la personne interrogée qu’elle n’a aucune raison valable de ne pas se montrer coopérative.
Orne – et d’autres avec lui – soulève une troisième objection : les informations obtenues pendant la transe ne seraient pas fiables. Orne affirme que « l’exactitude de telles informations […] ne peut être garantie puisque les sujets sous hypnose sont parfaitement capables de mentir ». Une fois encore, c’est tout à fait exact : il n’existe aucune méthode reconnue de manipulation qui garantisse la véracité. Mais si l’hypnose est employée comme un moyen de faire s’aligner volontairement le sujet sur l’interrogateur plutôt que comme un instrument permettant d’extraire la vérité, cette objection se dissipe d’elle-même.
L’hypnose offre un avantage que n’ont pas les autres techniques ou procédés d’interrogatoires : la suggestion posthypnotique. Dans des circonstances favorables, il doit être possible d’administrer une drogue silencieuse à une source récalcitrante, de la persuader – une fois que le stupéfiant commence à faire effet – qu’elle est en train de glisser dans une transe hypnotique, de la placer réellement en état d’hypnose quand sa conscience revient, de bouleverser son cadre de référence afin que ses raisons de résister deviennent autant de motifs de collaboration, de l’interroger et enfin de conclure la session en inculquant dans son esprit l’idée qu’elle ne se rappellera rien quand elle émergera de la transe.
Cette présentation sommaire des usages possibles de l’hypnose dans l’interrogatoire de sources réticentes a surtout pour ambition de rappeler au personnel opérationnel que cette technique peut résoudre des problèmes qui resteraient sinon insolubles. À condition de ne pas oublier que l’hypnose n’est clairement pas un procédé que l’on peut conduire seul. C’est pourquoi l’interrogateur, la base ou le centre songeant à y avoir recours doivent suffisamment l’anticiper, pour s’assurer de l’autorisation obligatoire du Quartier général et pour laisser à un expert le temps d’arriver et d’être briefé.
J. LES NARCOTIQUES
De la même façon que la simple menace d’infliger la douleur peut davantage inciter à collaborer que sa mise en œuvre, convaincre à tort une personne interrogée qu’elle a été droguée est susceptible de se révéler plus utile que de la placer réellement sous l’effet de narcotiques. Louis A. Gottschalk mentionne ainsi plusieurs études indiquant que « 30 à 50 % des individus réagissent au placebo, c’est-à-dire qu’ils ressentent un soulagement symptomatique après avoir absorbé une substance inactive » [7]. L’efficacité du placebo sera en outre plus marquée en situation d’interrogatoire parce qu’il permet d’apaiser la mauvaise conscience. Si le sujet refuse de passer aux aveux ou de divulguer des informations, c’est souvent en raison de sa fierté, de son patriotisme, de sa loyauté envers ses supérieurs ou de sa crainte d’être châtié s’il retombe entre leurs mains. Dans ces conditions, son désir naturel d’échapper au stress en cédant aux injonctions de l’interrogateur se révélera déterminant si on lui fournit une justification acceptable à sa soumission. « Ils m’ont drogué » est l’une des meilleures excuses.
Les drogues ne constituent pas plus la réponse aux besoins de l’interrogateur que le détecteur de mensonges, l’hypnose ou d’autres outils. Les études et comptes rendus « traitant de la validité des informations obtenues d’informateurs réticents […] montrent qu’il n’existe pas de drogue susceptible de convaincre n’importe quelle source d’avouer tout ce qu’elle sait. Un psychopathe – criminel invétéré – n’est pas le seul à pouvoir mentir malgré l’influence des stupéfiants : un individu relativement normal et équilibré peut lui aussi dissimuler avec succès des données factuelles » [3]. Gottschalk confirme cette dernière observation : mentionnant une expérience impliquant des drogues, il indique que « les individus les plus normaux et les mieux intégrés se révèlent parfois de meilleurs menteurs que les sujets névrosés et rongés par la culpabilité » [7].
Les drogues peuvent cependant permettre de surmonter efficacement une opposition là où d’autres techniques auraient échoué. Comme mentionné précédemment, la drogue dite silencieuse (une puissante substance pharmacologique absorbée par quelqu’un à son insu) rend quelquefois possible l’induction d’une transe hypnotique chez un sujet mal disposé. Gottschalk remarque : « À condition de choisir judicieusement la drogue – avec le minimum d’effets secondaires et adaptée à la personnalité de la source – et de déterminer attentivement son dosage et le moment idoine pour l’ingérer […], l’administration silencieuse peut se révéler un atout précieux. Comme sous hypnose, le sujet produira de lui-même des suggestions auxquelles il ne pourra échapper […], les sensations ressenties venant forcément de lui. L’effet de la drogue mettra ainsi en lumière des éléments irréfutables » [7].
Il est particulièrement important d’adapter les narcotiques utilisés à la personnalité. L’effet de nombreux stupéfiants dépend davantage des caractéristiques du sujet que de celles des drogues elles-mêmes. Une fois que le Quartier général a donné son autorisation et qu’un médecin est disponible pour administrer la drogue, il revient à l’interrogateur de détailler précisément au praticien les dispositions psychologiques de la source, afin qu’il sélectionne le meilleur stupéfiant possible.
Les personnes rongées par la honte ou la culpabilité sont susceptibles de passer outre lorsqu’elles sont droguées, particulièrement si l’interrogateur a auparavant intensifié ces sentiments. Tout comme le placebo, la drogue fournit une excellente justification à l’individu qui souhaite passer aux aveux mais qui n’a pas réussi à aller à l’encontre de ses propres règles et de sa loyauté.
Comme d’autres biais coercitifs, les stupéfiants peuvent affecter la nature des informations divulguées par la source. Gottschalk remarque que certaines drogues « provoquent parfois des réactions psychotiques telles que des hallucinations, illusions, délires ou désorientations ». Si bien que « le matériel oral recueilli doit quelquefois être considéré comme non pertinent » [7]. C’est pour cette raison que les stupéfiants (de même que les autres outils discutés dans cette section) ne devraient pas être utilisés pour l’interrogatoire de débriefing qui suit la capitulation. Leur fonction est de provoquer la capitulation, de faciliter le passage de la résistance à la coopération. Une fois cet objectif atteint, les techniques coercitives doivent être abandonnées, pour des raisons morales et parce qu’elles ne sont plus nécessaires, quand elles ne se révèlent pas contre-productives.
La présente étude ne fournit aucune liste des stupéfiants employés dans les interrogatoires et n’évoque pas leurs propriétés respectives : cet aspect des choses relève de considérations médicales et concerne davantage les médecins que les interrogateurs.
K. REPÉRER LA SIMULATION
La détection des cas de simulation ne relève pas à première vue des techniques d’interrogatoire – coercitif ou non. Mais l’histoire de l’interrogatoire est jalonnée de récits de personnes ayant tenté, parfois avec succès, d’échapper à une pression croissante en feignant une incapacité mentale ou physique. Les interrogateurs de KUBARK risquent d’être confrontés à des sources apparemment malades ou dérangées dans un contexte où le recours à une assistance spécialisée – médicale ou autre – se révèle difficile, voire quasiment impossible. Une brève discussion sur le sujet a donc été incluse dans ce manuel, avec l’idée qu’un interrogateur averti saura mieux faire la différence entre un simulateur et une personne réellement malade. En outre, la maladie et la simulation sont parfois la conséquence directe d’un interrogatoire coercitif.
Beaucoup de personnes feignant une maladie physique ou mentale n’en savent pas assez sur le sujet pour tromper les spécialistes. Pour L. Meltzer :
La détection de la tromperie est généralement déterminée par l’incapacité du simulateur à adopter de manière adéquate les caractéristiques du rôle qu’il s’est donné […]. Il présente souvent des symptômes extrêmement rares, ou qui existent seulement dans l’imagination du profane. Ainsi cette forme de délire schizophrène où le sujet est persuadé […] d’être un personnage célèbre ou historique. Ce symptôme est très rare dans les véritables psychoses, mais il est utilisé par nombre de simulateurs. La schizophrénie apparaît en outre de manière graduelle : le délire ne se manifeste pas soudainement du jour au lendemain, développé en un clin d’œil. Lorsqu’on a affaire à des simulateurs, le déclenchement des désordres est généralement fulgurant et l’apparition des délires quasi instantanée. Une psychose feinte comporte souvent des symptômes contradictoires et incohérents, qui cohabitent rarement dans la réalité. Le simulateur aura tendance à les interpréter de manière caricaturale : il exagère, dramatise à outrance, grimace, crie, surjoue la bizarrerie, et attire sans cesse l’attention sur lui […].
Une autre caractéristique du simulateur est qu’il cherchera habituellement à échapper à l’examen, ou à le retarder. Une étude sur le comportement des personnes soumises au détecteur de mensonges a par exemple montré que celles reconnues coupables par la suite partageaient certains traits de comportement. Elles rechignaient à passer le test, tentant de le retarder ou de le faire annuler. Anxieuses, elles pouvaient adopter une attitude brusque envers l’examen et l’examinateur. Par des stratégies d’évitement, comme des soupirs, des bâillements ou des mouvements incessants, elles tentaient parfois de faire capoter le test et de brouiller l’enregistrement. Avant même qu’il débute, elles ressentaient la nécessité d’expliquer pourquoi leurs réponses pourraient entraîner l’examinateur sur une fausse piste et lui faire croire qu’elles mentaient. La procédure consistant à passer au détecteur de mensonges un individu suspect de simulation peut donc entraîner des comportements renforçant la suspicion de fraude [7].
Meltzer explique également que les simulateurs qui ne sont pas des spécialistes en psychologie peuvent généralement être démasqués via des tests de Rorschach.
L’état d’esprit de l’examinateur joue également un grand rôle dans la détection de la simulation. Une personne se prétendant folle éveillera non seulement la suspicion dans l’esprit du professionnel, mais aussi le désir de révéler la supercherie. En revanche, une personne apparemment saine, qui dissimule ses troubles mentaux et ne laisse qu’un ou deux symptômes mineurs se manifester, incitera l’expert à tenter de mettre en lumière la maladie cachée.
Lorsque le mutisme ou l’amnésie sont simulés, Meltzer explique que le recours aux narcotiques suffit généralement à dévoiler la fraude. Ceci pour une raison qui prend le contre-pied de la croyance populaire : sous l’influence des drogues appropriées, le simulateur persistera à ne pas parler ou à ne pas se rappeler, alors que les symptômes d’une personne réellement affectée disparaîtront temporairement. Une autre technique consiste à prétendre prendre la tromperie au sérieux, à exprimer gravement son inquiétude, puis à expliquer au « patient » qu’il n’y a pas d’autres remèdes à sa pathologie qu’un traitement par chocs électriques ou une lobotomie frontale.
L. CONCLUSION
Ce rapide résumé de ce qui a été dit précédemment permet de récapituler les principaux éléments de l’interrogatoire coercitif.
1. Les principales techniques coercitives sont l’arrestation, la détention, la privation sensorielle, les menaces et la peur, l’induction d’un état de faiblesse, la souffrance, l’hypersuggestibilité et l’hypnose, les drogues.
2. S’il est nécessaire d’employer une ou plusieurs techniques de coercition, elles doivent être choisies pour leurs effets sur un individu donné et attentivement sélectionnées afin de correspondre à sa personnalité.
3. La coercition entraîne généralement une régression. Les défenses adultes de la personne interrogée s’effritent à mesure qu’elle s’infantilise. Au cours du processus de régression, le sujet est susceptible de ressentir des sentiments de culpabilité ; il est généralement utile de les intensifier.
4. Une fois le processus de régression suffisamment développé pour que le désir de capitulation du sujet compense son envie de résister, l’interrogateur doit lui permettre de sauver la face en lui offrant une échappatoire cohérente. De même que la technique coercitive, cette ligne de fuite doit être choisie avec attention pour correspondre à la personnalité du sujet.
5. La pression coercitive doit être relâchée ou abandonnée dès qu’une certaine soumission a été obtenue, de manière à ne pas entraver une éventuelle collaboration volontaire de la personne interrogée.
Nous n’avons pas mentionné ce qui constitue généralement la dernière étape des interrogatoires conduits par des services communistes : la tentative de conversion. Du point de vue occidental, l’objectif de l’interrogatoire est le recueil d’informations ; une fois qu’un degré suffisant de coopération a été atteint et que l’interrogateur a accès à ce qu’il recherchait, il se comporte généralement comme si l’attitude de la source ne le concernait plus. Dans certaines circonstances, cette indifférence confine au manque de clairvoyance. Si une source reste relativement hostile ou hantée par le remords à la fin d’un interrogatoire réussi, finaliser sa conversion (et se doter ainsi d’un éventuel atout durable) se révélera souvent moins chronophage que de gérer la rancœur qui pourrait résulter d’une conclusion expéditive.
X. L’AIDE-MÉMOIRE DE L’INTERROGATEUR
Les questions qui suivent ont été conçues pour servir d’aide-mémoire à l’interrogateur ainsi qu’à ses supérieurs.
1. Les éléments de la législation locale (ou fédérale, ou autre) affectant la conduite d’un interrogatoire – qu’il soit unilatéral ou mené de concert avec un autre service – ont-ils été établis et assimilés ?
2. Si la personne interrogée doit être détenue, combien de temps est-il possible de la maintenir en captivité sans enfreindre la loi ?
3. Si l’interrogatoire est conduit par un service d’ODYOKE doté d’attributions de contre-renseignement à l’étranger et s’il tombe sous le coup de la directive xxxxx ou de la directive xxxxx de la direction de KUBARK, est-il supervisé par KUBARK ? Un interrogatoire KUBARK soumis aux mêmes dispositions a-t-il été planifié et coordonné de manière appropriée ?
4. Les consignes et directives de KUBARK ont-elles été respectées ? Celles-ci incluent les xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx, les directives en rapport de la direction de KUBARK xxxxx x x x x x x x x x x x x x x xxxxx, pertinentes xxxxx xxxxx, et les dispositions concernant le recours à la contrainte mentionnées dans divers paragraphes de ce manuel.
5. La personne qui va subir l’interrogatoire est-elle citoyenne de PBPRIME ? Si oui, les différentes consignes en rapport listées dans le manuel sont-elles réellement assimilées ?
6. L’interrogateur sélectionné pour cette tâche remplit-il les quatre critères essentiels ? À savoir : a) suffisamment d’entraînement opérationnel et d’expérience ; b) une bonne maîtrise de la langue à utiliser ; c) une connaissance géographique et culturelle de la zone concernée ; d) une compréhension de la personnalité de la source.
7. Est-ce que le futur interrogé a été soumis au processus pré-interrogatoire ? Quelles sont ses caractéristiques psychologiques essentielles ? Peut-on le rattacher à l’une des neuf catégories majeures listées aux pages 76-85. Si oui, à laquelle ?
8. Toutes les informations pertinentes disponibles sur le sujet ont-elles été collectées et examinées ?
9. La source est-elle xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x , ou la séance de questions sera-t-elle complétée dans un autre lieu ? Si ce lieu est une base ou une station, l’interrogateur, la personne interrogée et l’équipement seront-ils disponibles pour la durée qu’on estime nécessaire à l’achèvement du processus ? Si la personne interrogée doit être envoyée dans un centre spécial, est-ce que cette décision a été approuvée par le centre en question ou par le Quartier général ?
10. Les documents pertinents fournis par le futur interrogé ont-ils tous été soumis à une analyse technique ?
11. S’est-on d’abord tourné vers les sources les plus évidentes ? L’interrogatoire est-il vraiment nécessaire ?
12. A-t-on recherché, sur le terrain et au Quartier général, les éventuelles traces laissées par la personne interrogée et par ses proches – relations amicales, familiales ou économiques ?
13. Un test préliminaire de bonne foi a-t-il été réalisé ? Avec quel résultat ?
14. Si des liens antérieurs avec un service de renseignement, un Parti communiste ou une organisation servant de couverture ont été confessés, tous les détails ont-ils été obtenus et notifiés ?
15. Les techniques LCFLUTTER ont-elles été utilisées ? Aussitôt que possible ? Plus d’une fois ? Quand ?
16. Estime-t-on que la personne en passe d’être interrogée risque de résister ? Si une résistance est prévue, quelle en serait la raison ? Peur ? Patriotisme ? Considérations personnelles ? Convictions politiques ? Entêtement ? Ou bien autre chose ?
17. Quel est l’objectif de l’interrogatoire ?
18. A-t-on planifié l’interrogatoire ?
19. xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
20. Dispose-t-on d’un cadre approprié pour mener l’interrogatoire ?
21. Les sessions d’interrogatoire seront-elles enregistrées ? L’équipement nécessaire est-il disponible ? Installé ?
22. Toutes les dispositions ont-elles été prises pour nourrir, loger et surveiller le sujet de manière optimale ?
23. Le plan de l’interrogatoire prévoit-il de faire appel à plusieurs interrogateurs ? Le cas échéant, les rôles ont-ils été assignés ? Les emplois du temps préparés ?
24. L’environnement dans lequel se déroulera l’interrogatoire permet-il à l’interrogateur de contrôler et manipuler la source de manière optimale ?
25. Qu’a-t-on planifié pour la fin de l’interrogatoire ? Quelles dispositions ont été prises pour la personne interrogée ?
26. Peut-on déterminer rapidement le ressenti de la source concernant l’interrogateur ou les interrogateurs ? Quel est celui de l’interrogateur à propos de la personne interrogée ? Note-t-on l’existence d’une réaction émotionnelle assez puissante pour fausser le processus ? Le cas échéant, peut-on remplacer l’interrogateur ?
27. Si la source résiste, utilisera-t-on des méthodes coercitives ou non coercitives ? Pourquoi ?
28. Le sujet a-t-il déjà été interrogé par le passé ? Connaît-il les techniques d’interrogatoire ?
29. Le comportement de la personne interrogée lors de la phase d’approche a-t-il confirmé ou infirmé les appréciations préliminaires ? S’il existe des différences significatives, quelles sont-elles ? En quoi affectent-elles la planification du reste de l’interrogatoire ?
30. Au cours de la phase d’approche, le sujet a-t-il manifesté par sa voix, ses yeux, sa bouche, ses gestes, ses silences ou par d’autres indices que l’on touchait à un domaine sensible ? Si oui, à quel sujet ?
31. Est-ce que de bons rapports ont été noués durant la phase d’approche ?
32. La phase d’approche a-t-elle été suivie d’une phase de reconnaissance ? Quels sont les sujets suscitant la résistance du sujet ? Quelle tactique et quel degré de pression seront nécessaires pour en venir à bout ? La durée estimée de l’interrogatoire doit-elle être revue à la hausse ? Si c’est le cas, faut-il prendre des dispositions supplémentaires pour prolonger la détention, assurer les liaisons ou les tours de garde, ou autre chose ?
33. Du point de vue de l’interrogateur, comment le sujet a-t-il réagi émotionnellement à sa personne ? Pourquoi ?
34. Des rapports d’interrogatoire sont-ils préparés après chaque session ? En partant de notes ou d’enregistrements ?
35. Quelles dispositions faut-il prendre envers la personne interrogée une fois l’interrogatoire terminé ? Si le sujet est suspecté d’être un agent hostile et que l’interrogatoire n’a pas débouché sur des aveux, quelles seront les mesures prises pour s’assurer qu’il ne puisse opérer comme par le passé, sans entrave ni contrôle ?
36. A-t-on fait une promesse qui n’aurait pas été tenue une fois le processus arrivé à son terme ? Le sujet est-il vindicatif ? Susceptible de contre-attaquer ? Comment ?
37. Si l’une (ou plusieurs) des techniques non coercitives abordées aux pages 124-141 a été utilisée, comment a-t-elle affecté la personnalité de la personne interrogée ?
38. Envisage-t-on de recourir à des techniques coercitives ? Si oui, le personnel concerné et relevant de la chaîne de commandement direct de l’interrogateur en a-t-il été informé ? A-t-il approuvé ?
39. Le Quartier général l’a-t-il préalablement autorisé ?
40. xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
41. Même question, pour la détention. Si le sujet doit être placé en détention, KUBARK est-elle en mesure de contrôler intégralement son environnement ? Peut-on casser sa routine habituelle en vue de l’interrogatoire ?
42. Est-il nécessaire d’avoir recours au confinement solitaire ? Pourquoi ? Le lieu du confinement permet-il l’élimination pratique de tout stimulus sensoriel ?
43. Envisage-t-on d’avoir recours aux menaces ? Font-elles partie du plan ? La nature des menaces employées est-elle adaptée à la personnalité de la personne interrogée ?
44. Si l’on estime nécessaire d’avoir recours à l’hypnose ou aux narcotiques, en a-t-on informé le Quartier général suffisamment tôt ? Est-ce qu’une somme suffisante au financement du voyage d’un spécialiste et à tous les autres préparatifs a été provisionnée ?
45. La personne interrogée est-elle suspectée de simulation ? Si l’interrogateur ne dégage pas de certitude à ce sujet, est-il en mesure de contacter un expert ?
46. Une fois l’interrogatoire mené à son terme, un rapport détaillé a-t-il été rédigé ?
47. xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
48. xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
49. L’interrogatoire peut-il être qualifié de succès ? Pourquoi ?
50. Peut-il être qualifié d’échec ? Pourquoi ?
XI. BIBLIOGRAPHIE DÉTAILLÉEnote
Cette bibliographie est sélective : la majorité des livres et articles consultés pour rédiger ce manuel n’y figurent pas. Ceux qui n’avaient pas de réelle utilité en matière de contre-interrogatoire de sources résistantes n’ont pas été retenus. Nous avons également choisi de ne pas inclure ceux que nous considérions comme élémentaires, de qualité inférieure ou douteux.
Cela ne signifie pas que la liste des éléments retenus est exhaustive et absolument pertinente, le nombre de travaux publiés en ce domaine pourtant très spécialisé dépassant le millier. Mais nous estimons que tous les travaux compilés ici devraient être lus par chaque membre du personnel de KUBARK concerné par la procédure d’interrogatoire.
[1] Anonyme (xxxxx x x x x x x x x x x x x xxxxx), « Interrogation », non daté. Cet article se parcourt en une heure. Il est intelligent, va droit au but et s’appuie sur une expérience approfondie. N’y sont traités que les interrogatoires menés sur une personne ayant été arrêtée et incarcérée. En raison d’un angle d’analyse trop large, le débat est pourtant mené à vive allure et reste cantonné en surface.
[2] Barioux Max, « A method for the selection, training, and evaluation of the interviewer », Public Opinion Quaterly, printemps 1952, vol. 16, nº 1. Cet article traite des personnes menant des interviews dans le cadre d’enquêtes d’opinion. Il est de peu d’intérêt pour les interrogateurs, si ce n’est qu’il souligne le caractère improductif des questions portant en elles-mêmes leur propre réponse.
[3] Biderman Albert D., A Study for Development of Improved Interrogation Techniques, étude SR 177-D (U), classé secret, rapport final du contrat AF 18 (600) 1797, Bureau of Social Science Research Inc., Washington D.C., mars 1959. Cet ouvrage (207 pages de texte) traite essentiellement du comportement de prisonniers de guerre américains interrogés par des services communistes. Il en tire des conclusions utiles à l’interrogateur de KUBARK confronté à une source résistante. Et offre l’avantage d’incorporer les travaux et opinions d’un grand nombre de chercheurs et spécialistes travaillant sur des champs liés aux problématiques de l’interrogatoire. La fréquence des références à cet ouvrage l’illustre : le consulter se révélera très utile. La grande majorité des interrogateurs de KUBARK ne pourront que se féliciter de l’avoir parcouru. Il contient également une bibliographie judicieuse, mais non détaillée (343 références).
[4] Biderman Albert D., « Communist attempts to elicit false confession from Air Force prisoners of war », Bulletin of the New York Academy of Medicine, septembre 1957, vol. 33. Une excellente analyse des méthodes de pression psychologique appliquées par les communistes chinois sur des prisonniers de guerre américains afin de provoquer des « confessions », ensuite utilisées à des fins de propagande.
[5] Biderman Albert D., « Communist techniques of coercive interrogation », Air Intelligence, juillet 1955, vol. 8, nº 7. Ce court article n’entre pas dans les détails. Le sujet traité est peu ou prou le même que celui de l’entrée [4], mais il l’aborde en se focalisant sur l’interrogatoire plutôt que sur l’extraction de « confessions ».
[6] Biderman Albert D., « Social psychological needs and “involuntary” behavior as illustrated by compliance in interrogation », Sociometry, juin 1960, vol. 23. Cet article intéressant plonge dans le vif du sujet. Il offre une analyse pertinente des interactions entre l’interrogateur et la personne interrogée. On peut le rapprocher de « Psychology of confession » de Milton W. Horowitz (cité plus bas [15]).
[7] Biderman Albert D. et Zimmer Herbert, The Manipulation of Human Behavior, John Wiley and Sons Inc., New York/Londres, 1961. Cet ouvrage de 304 pages se compose d’une introduction par les éditeurs et de sept chapitres rédigés par des spécialistes : Dr Lawrence E. Hinkle Jr., « The physiological state of the interrogation subject as it affects brain function » ; Dr Philip E. Kubzansky, « The effects of reduced environmental stimulation on human behavior : a review » ; Dr Louis A. Gottschalk, « The use of drugs in interrogation » ; Dr R. C. Davis, « Physiological responses as a means of evaluating information » (ce chapitre se focalise sur les détecteurs de mensonges) ; Dr Martin T. Orne, « The potential uses of hypnosis in interrogation » ; Drs Robert R. Blake et Jane S. Mouton, « The experimental investigation of interpersonal influence » ; Dr Malcolm L. Meltzer, « Countermanipulation through malingering ». Si les éditeurs annoncent en introduction que l’ouvrage « est avant tout consacré aux interrogatoires de sujets résistants », l’accent est en réalité mis sur l’aspect psychologique ; l’interrogatoire lui-même est rapidement expédié. Les interrogateurs de KUBARK ont cependant tout intérêt à lire ce livre, particulièrement les chapitres rédigés par les Drs Orne et Meltzer. Ils constateront sans doute qu’il a été écrit par des scientifiques pour des scientifiques, et que les contributions abordent systématiquement l’interrogatoire de manière trop théorique. Ils noteront également que les auteurs n’ont pu s’appuyer sur quasiment aucune expérimentation conduite dans des conditions d’interrogatoire et dont les résultats auraient été déclassifiés (les conclusions sont presque toutes extrapolées). Mais l’ouvrage contient beaucoup d’informations utiles, d’où les fréquentes mentions qui en sont faites dans ce manuel. Les bibliographies combinées atteignent un total de 771 références.
[8] xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[9] xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[10] xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[11] xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x
xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[12] xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[13] Gill Merton M. et Brenman Margaret, Hypnosis and Related States. Psychoanalytic Studies in Regression, International Universities Press Inc., New York, 1959. Cet ouvrage analyse l’hypnose de manière détaillée. L’approche est essentiellement freudienne, mais les auteurs ne sont ni bornés ni doctrinaires. Sont abordés le déclenchement de l’hypnose, l’état d’hypnose, les théories de l’induction hypnotique et de la condition hypnotique, le concept de régression considéré comme un élément de base de l’hypnose, les liens entre hypnose et drogues, sommeil, amnésie, etc., ainsi que l’usage de l’hypnose dans les psychothérapies. Les interrogateurs trouveront sans doute la comparaison entre hypnose et « lavage de cerveau » – dans le chapitre ix – plus utile que nombre d’autres passages. Cet ouvrage est toutefois recommandé, non pas parce qu’il contiendrait une analyse de l’usage de l’hypnose dans l’interrogatoire (ce n’est pas le cas), mais parce qu’il fournit des informations précieuses sur ce qu’elle peut et ne peut pas faire.
[14] Hinkle Lawrence E. Jr. et Wolff Harold G., « Communist interrogation and indoctrination of enemies of the State », AMA Archives of Neurology and Psychiatry, août 1956, vol. 76, nº 2. Cet article analyse les réactions physiologiques et psychologiques de prisonniers américains confrontés à la détention et à l’interrogatoire sous contrôle communiste. Si sa lecture est recommandée, il n’est pas nécessaire de l’étudier en détail, en grande partie parce qu’il existe des différences substantielles entre l’interrogatoire de prisonniers de guerre américains par des communistes et l’interrogatoire par KUBARK de membres suspectés ou avérés d’un service ou Parti communiste.
[15] Horowitz Milton W., « Psychology of confession », Journal of Criminal Law, Criminology, and Police Science, juillet-août 1956, vol. 47. L’auteur liste les différentes étapes d’un passage aux aveux : 1) le sujet se sent accusé ; 2) il fait face à une autorité dotée d’un pouvoir supérieur au sien ; 3) il est persuadé que cette autorité va découvrir – voire détient déjà – des preuves accablantes de sa culpabilité ; 4) il est privé de tout soutien amical ; 5) il se fait des reproches ; 6) le passage aux aveux est perçu comme un soulagement. Bien que cet article soit davantage fondé sur des hypothèses que sur l’analyse de faits vérifiés, une lecture attentive est conseillée.
[16] Inbau Fred E. et Reid John E., Lie Detection and Criminal Investigation, Williams and Wilkins Co., Baltimore, 1953. La première partie de cet ouvrage aborde la question du détecteur de mensonges. Elle se révélera plus utile à l’interrogateur de KUBARK que la seconde, consacrée aux diverses étapes d’un interrogatoire criminel.
[17] Khokhlov Nicolai, In the Name of Conscience, David McKay Co., New York, 1959. Une référence mentionnée en grande partie en raison de la citation utilisée dans le manuel. L’ouvrage offre cependant quelques réflexions intéressantes sur le comportement des personnes interrogées.
[18] KUBARK, Communist Control Methods, annexe 1, « The use of scientific design and guidance drugs and hypnosis in communist interrogation and indoctrination procedures », classé secret, date de publication inconnue. Cette annexe rend compte d’une étude portant sur l’utilisation de moyens tels que l’hypnose ou les drogues dans les interrogatoires communistes. S’il est évident que des expériences de ce type sont menées dans les pays communistes, l’étude n’apporte aucune preuve de leur réelle utilisation – ni de leur éventuelle utilité.
[19] KUBARK (KUSODAnote), Communist Control Techniques, classé secret, 2 avril 1956. Une analyse des méthodes de la police d’État communiste en matière d’arrestation, d’interrogatoire et d’endoctrinement de personnes hostiles. Comme d’autres travaux traitant des techniques d’interrogatoire communistes, cet article sera utile à tout interrogateur de KUBARK chargé d’interroger un ancien membre d’un service de renseignement ou de sécurité ennemi. Mais il n’aborde pas la question des interrogatoires menés sans disposer de pouvoirs de police.
[20] KUBARK, Hostile Control and Interrogation Techniques, classé secret, date de publication inconnue. Cette brochure se compose de 28 pages de texte et de 2 annexes. Elle fournit des conseils au personnel de KUBARK pour résister à un interrogatoire mené par un service hostile. Si elle délivre de judicieuses recommandations, elle ne présente aucune information nouvelle sur les théories et pratiques de l’interrogatoire.
[21] xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[22] xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[23] Laycock Keith, « Handwriting analysis as an assessment aid », Studies in Intelligence, été 1959, vol. 3, nº 3. Une défense de la graphologie conduite par un « amateur avisé ». Bien que l’article soit intéressant, il ne prouve en rien que l’analyse de l’écriture d’une source puisse être d’un quelconque intérêt pour l’interrogatoire. Recommandé, néanmoins, aux interrogateurs qui ne seraient pas familiers du sujet.
[24] Lefton Robert Jay, « Chinese communist “thought reform” : confession and reeducation of Western civilians », Bulletin of the New York Academy of Medicine, septembre 1957, vol. 33. Un bon article sur les techniques de lavage de cerveau des communistes chinois, composé en majeure partie d’entretiens menés directement avec des prisonniers ayant subi ce procédé. Recommandé en tant que lecture d’appoint.
[25] Levenson Bernard et Wiggins Lee, A Guide for Intelligence Interviewing of Voluntary Foreign Sources, usage officiel uniquement, Officer Education Research Laboratory, ARDC, Maxwell Air Force Base (mémorandum technique OERL-TM-54-4). Ce traité sur les techniques d’interrogatoire est de bonne facture, malgré un angle d’approche trop large. Comme l’indique son titre, il ne traite pas du même sujet que la présente étude.
[26] Lilly John C., « Mental effects of reduction of ordinary levels of physical stimuli on intact healthy persons », Psychological Research Report #5, American Psychiatric Association, 1956. L’auteur commence par résumer rapidement quelques récits autobiographiques de relatif isolement maritime (sur des petits bateaux) ou dans les régions polaires, avant de rendre compte de deux expériences visant à faire disparaître ou à réduire drastiquement les stimuli sensoriels. Celles-ci ont eu pour résultat d’accélérer les effets de types d’isolement plus classiques (comme le confinement). Délires et hallucinations, précédés d’autres symptômes, apparaissent après une courte période. L’auteur n’envisage pas d’appliquer ses découvertes au champ de l’interrogatoire.
[27] Meerlo Joost A. M., The Rape of the Mind, World Publishing Co., Cleveland, 1956. Pour l’interrogateur, l’intérêt majeur de ce livre est qu’il lui permet de déceler un grand nombre d’éléments utiles dans les réponses d’une source. Ceux-ci ne sont pas directement liés aux questions posées ou au cadre de l’interrogatoire, mais découlent de (ou sont au moins influencés par) toutes les situations d’interrogatoire que le sujet a connues plus tôt dans sa vie, spécialement pendant l’enfance. Pour beaucoup de personnes interrogées, l’interrogateur devient – pour le meilleur ou le pire – un symbole parental ou d’autorité. La soumission du sujet ou sa résistance sont fréquemment déterminées par le contexte familial de son enfance. Des forces similaires s’affrontant pendant l’interrogatoire, celui-ci est susceptible de masquer une couche plus profonde d’échange ou de conflit entre les deux intéressés. Pour l’interrogateur, l’un des intérêts majeurs de cet ouvrage (et de la plupart des travaux psychologiques ou psychanalytiques apparentés) tient à ce qu’il peut lui apporter une connaissance plus profonde de sa propre personne.
[28] Moloney James Clark, « Psychic self-abandon and extortion of confessions », International Journal of Psychoanalysis, janvier-février 1955, vol. 36. Ce court article établit un parallèle entre le soulagement psychologique que procure la confession (c’est-à-dire le sentiment de bien-être accompagnant la capitulation, considérée comme la solution à un conflit qui n’aurait pu sinon être résolu) et l’expérience religieuse, en se focalisant plus particulièrement sur dix pratiques bouddhistes. L’interrogateur ne trouvera ici nul enseignement qui ne soit détaillé de manière plus accessible dans d’autres sources, notamment dans Hypnosis and Related States de Gill et Brenman [13]. Marginal.
[29] Oatis William N., « Why I confessed », Life, 21 septembre 1953, vol. 35. Article d’une valeur marginale. Il combine les protestations d’innocence de l’auteur (« je ne suis pas un espion et ne l’ai jamais été ») et le récit de la manière dont il fut amené à « confesser » son statut d’agent secret dans les trois jours suivant son arrestation. Même si Oatis fut périodiquement privé de sommeil (dont une fois pendant 42 heures) et forcé de rester debout jusqu’à l’épuisement, les Tchèques l’ont fait passer aux aveux sans user de la torture ou de la privation de nourriture, et sans avoir recours à des techniques sophistiquées.
[30] Rundquist E. A., « The assessment of graphology », Studies in Intelligence, classé secret, été 1959, vol. 3, nº 3. L’auteur conclut qu’une étude scientifique de la graphologie est nécessaire pour permettre de porter un jugement objectif sur la valeur à accorder à cette technique d’analyse. Cet article doit être lu en parallèle avec la référence [23] ci-dessus.
[31] Schachter Stanley, The Psychology of Affiliation. Experimental Studies of the Sources of Gregariousness, Stanford University Press, Stanford, 1959. Cette étude de 133 pages aborde essentiellement les expériences et analyses statistiques menées par le Dr Schachter et ses collègues à l’université du Minnesota. Ses enseignements majeurs concernent le rapport entre anxiété, intensité des besoins d’affiliation et position ordinale (c’est-à-dire le rang occupé dans la séquence de naissance au sein d’une fratrie). En émergent quelques conclusions provisoires importantes pour l’interrogateur :
a) « L’une des conséquences de l’isolement consiste en un état psychologique qui ressemble, dans ses formes extrêmes, à une crise d’angoisse carabinée » (p. 12).
b) L’angoisse intensifie le désir de se trouver en contact avec d’autres personnes partageant la même crainte.
c) Les personnes qui sont des premiers-nés ou des enfants uniques apparaissent généralement plus nerveuses ou craintives que les autres. Elles semblent aussi « largement moins désireuses ou capables de résister à la douleur que celles nées dans une autre position ordinale » (p. 49).
En bref, cet ouvrage présente des hypothèses intéressantes pour les interrogateurs ; des recherches plus poussées sont cependant nécessaires pour déterminer leur validité et leur applicabilité.
[32] Sheehan Robert, Police Interview and Interrogations and the Preparation and Signing of Statements. Cette brochure de 23 pages, non classifiée et non datée, aborde la question des tactiques et pièges utilisés dans les interrogatoires classiques – certains d’entre eux peuvent se révéler utiles dans le cadre du contre-renseignement. Si le ton est enlevé, la grande majorité du texte reste éloignée des problématiques de l’interrogatoire KUBARK. Recommandé en tant que lecture d’appoint.
[33] Singer Margaret Thaler et Schein Edgar H., « Projective test responses of prisoners of war following repatriation », Psychiatry, vol. 21, 1958. Des tests conduits sur des prisonniers de guerre américains rapatriés à la suite des opérations Big Switch et Little Switch en Corée ont montré qu’il existait des différences de personnalité entre les sujets qui avaient résisté et ceux qui avaient coopéré. Ces derniers réagissaient de manière plus conventionnelle et sensible aux tests psychologiques, alors que les premiers se montraient généralement plus apathiques et repliés sur leurs émotions, voire bloqués. Ceux qui avaient le plus activement résisté affichaient cependant des caractéristiques proches de ceux ayant collaboré, dans leurs réactions ainsi qu’en matière de vivacité d’esprit. Les résultats des tests de Rorschach ont indiqué, statistiques fiables à l’appui, qu’il existait des différences psychologiques entre collaborateurs et non-collaborateurs. Les examens et résultats décrits méritent d’être pris en compte, de même que les procédures préinterrogatoires recommandées dans cet article.
[34] Sullivan Harry Stack, The Psychiatric Interview, W. W. Norton and Co., New York, 1954. Tout interrogateur parcourant ce livre sera frappé par les parallèles entre l’entretien psychiatrique et l’interrogatoire. Autre élément positif : son auteur, un psychiatre très réputé, possède visiblement une grande compréhension de la nature des relations interpersonnelles ainsi que des mécanismes de résistance.
[35] U. S. Army, Office of the Chief of Military History, Russian Methods of Interrogating Captured Personnel in World War II, classé secret, Washington, 1951. Un traité détaillé portant sur les services de renseignement et de police russes, ainsi que sur l’histoire du traitement des captifs – civils ou militaires – par les Soviétiques pendant et après la Seconde Guerre mondiale. L’appendice rend compte de quelques cas spécifiques pour lesquels la police secrète eut recours à la torture physique. L’interrogatoire en lui-même n’est abordé que dans une petite partie de l’ouvrage. Lecture d’appoint.
[36] U. S. Army, 7707 European Command Intelligence Center, Guide for Intelligence Interrogators of Eastern Cases, classé secret, avril 1958. Cette étude spécialisée est d’une valeur marginale. Pour les interrogateurs KUBARK ayant affaire à des Russes ou à d’autres Slaves.
[37] U. S. Army, The Army Intelligence School, Fort Holabird, Techniques of Interrogation, dossier pour instructeurs I-6437/A, janvier 1956. Un article de l’ex-interrogateur allemand Hans Joachim Scharff, « Without torture », occupe la majeure partie de ce dossier. La discussion préliminaire et l’article de Scharff (publié initialement dans Argosy, mai 1950) se focalisent exclusivement sur l’interrogatoire de prisonniers de guerre. L’auteur affirme que les méthodes employées par le renseignement militaire du IIIe Reich contre des soldats de l’U. S. Air Force « étaient presque irrésistibles ». Cependant, la technique de base consistait à faire croire au prisonnier que tout ce qu’il savait était déjà connu des Allemands. Le succès de cette méthode dépend de circonstances faisant généralement défaut en temps de paix, lors de l’interrogatoire d’un membre – agent ou employé – d’un service de renseignement hostile. L’article mérite néanmoins d’être lu, parce qu’il montre de manière saisissante les avantages d’une bonne planification et organisation.
[38] U. S. Army, Counterintelligence Corps, Fort Holabird, Interrogations, confidentiel, 5 septembre 1952. Un passage en revue rapide de l’interrogatoire militaire. Parmi les sujets abordés : l’interrogatoire de témoins, de suspects, de prisonniers de guerre et de réfugiés, ainsi que l’utilisation d’interprètes et de détecteurs de mensonges. Bien que ce texte ne se focalise pas sur les problèmes basiques rencontrés par les interrogateurs de KUBARK, sa lecture ne sera pas inutile.
[39] U. S. Army, Counterintelligence Corps, Fort Holabird, Investigative Subjects Department, Interrogations, confidentiel, 1er mai 1950. Ce fascicule de 70 pages consacré à l’interrogatoire de contre-renseignement est direct, succinct, pratique et solide. Lecture attentive recommandée.
[40] xxxxx x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x xxxxx
[41] Wellman Francis L., The Art of Cross-Examination, Garden City Publishing Co. (désormais Doubleday), New York, 1re édition 1903, 4e édition 1948. La majeure partie de cet ouvrage n’est pas directement en rapport avec le thème de ce manuel ; il aborde essentiellement les techniques utilisées pour déstabiliser les témoins et impressionner les jurys. La lecture du chapitre viii, « Fallacies of testimony », est cependant conseillée, parce que certaines de ses mises en garde demeurent valables.
[42] Wexler Donald, Mendelson Jack, Leiderman Herbert et Solomon Philip, « Sensory deprivation », A.M.A. Archives of Neurology and Psychiatry, nº 79, 1958, p. 225-233. Cet article relate une expérience élaborée pour tester les conséquences de la privation – totale ou partielle – de certains stimuli sensoriels. Des volontaires rémunérés restent enfermés dans un poumon d’acier pendant une période allant de 1 h 38 à 36 heures. Parmi les effets relevés : incapacité à se concentrer correctement, rêves éveillés et fantasmes, illusions, délires et hallucinations. L’éventuelle pertinence de cette procédure en tant que moyen d’accélérer les effets du confinement solitaire sur des sujets récalcitrants n’a pas été étudiée.
AUTRES BIBLIOGRAPHIES
Les bibliographies listées ci-dessous ont été utilisées au cours de la préparation de ce manuel.
[I] Brainwashing. A Guide to the Literature, élaborée par la Society for the Investigation of Human Ecology, Inc., Forest Hills, New York, décembre 1960. Une grande variété de ressources y est représentée : études universitaires et scientifiques, études menées par le gouvernement ou par divers organismes, approche légale, récits biographiques, fiction, journalisme ; ainsi que des ressources classées « divers ». Le nombre de références pour chaque catégorie est respectivement de 139, 28, 7, 75, 10, 14 et 19, pour un total de 418. Chaque titre est suivi d’une ou deux phrases de description, donnant une indication sur le contenu, mais n’exprimant aucun jugement de valeur. La première section contient un grand nombre de références particulièrement utiles.
[II] Comprehensive Bibliography of Interrogation Techniques, Procedures, and Experiences, Air Intelligence Information Report, déclassifié, 10 juin 1959. Cette bibliographie de 158 références, échelonnées entre 1915 et 1957, est composée des « monographies sur le sujet disponibles à la Bibliothèque du Congrès, classées par ordre alphabétique d’auteur ou, en l’absence d’auteur, de titre ». Aucune description n’est donnée, à l’exception des sous-titres explicatifs. Si ces monographies sont en plusieurs langues, elles ne sont pas classées par catégories. Une bibliographie extrêmement hétérogène : la plupart des références sont d’une valeur nulle ou secondaire pour l’interrogateur.
[III] Interrogation Methods and Techniques, KUPALM, L-3, 024, 941, juillet 1959, classé secret/NOFORN. Cette bibliographie comporte 114 entrées et répartit les documents en quatre catégories : livres et brochures, articles issus de périodiques, documents classifiés et documents issus de périodiques classifiés. Aucune description (hormis les sous-titres) n’est proposée. L’éventail est large, si bien que de nombreux titres n’ayant que peu à voir avec le sujet sont listés (par exemple : « Employment psychology : the interview, interviewing in social research » et « Phrasing questions : the question of bias in interviewing », issus du Journal of Marketing).
[IV] Survey of the Literature on Interrogation Techniques, KUSODA, 1er mars 1957, confidentiel. Bien qu’elle semble désormais un peu datée en raison d’avancées importantes depuis sa publication, cette bibliographie reste la meilleure de celles listées ici. Elle regroupe 114 références en quatre catégories : lecture fondamentale, lecture recommandée, lecture d’un intérêt limité ou marginal, lecture sans intérêt. Une description rapide de chaque entrée est proposée. Les éléments inévitablement subjectifs qui teintent ces jugements concis et critiques sont judicieux. Et ils permettent à l’interrogateur trop occupé pour labourer des hectares de publications de gagner du temps.